À l'origine des contacts entre l'OM et Marcelo Bielsa, Luis Fernandez suit de près le technicien argentin. Vendredi, il a assisté à la défaite à Nice. Ce qu'il a vu l'interpelle.
Pourquoi l'OM n'y arrive plus ? Luis Fernandez : L'OM de 2015 n'est pas celui de 2014. Les absences de Nkoulou et André Ayew, des tauliers retenus à la CAN, pèsent lourd. Enlevez Fékir et Lacazette à Lyon, Zlatan et Thiago Silva à Paris, et l'équipe ne sera plus la même. À l'OM, ajoutez-y les suspensions de Fanni et Mendy, mais aussi les blessures d'Alessandrini et Barrada. Ça fait beaucoup. À Nice, l'OM est obligé de finir le match avec Omrani et le petit Boutobba. Sur ce match, le gros pressing a disparu. L'OM avait du mal à ressortir le ballon. Il a été énormément perturbé, malgré quatre ou cinq occasions en première période.
Tout le monde ne semble pas franchement impliqué... L.F. : Il y a peut-être des éléments qui sont moins bien. J'ai beaucoup aimé "Dédé" Gignac. Il est dans l'esprit, alors qu'on lui demande d'aller sur le côté droit. Qu'il le fasse bien ou mal, il y va. Il doit se rendre compte que depuis qu'il travaille avec Bielsa, il est devenu très convoité. Quelques-uns s'essoufflent, notamment dans le coeur du jeu : Romao, Imbula ou Payet. Ils ont quand même été dominés par Hult et Mendy... C'était la force de l'OM. Les défaillances sont là. L'OM est redevenu une équipe normale, plus faible. Quant à Bielsa, on sent qu'il doit passer un moment assez difficile.
Et vous, vous le ressentez ? L.F. : Oui. Je me suis attaché au personnage. Il est dur, exigeant. Il demande tellement d'intensité à ses hommes, il veut tellement les faire évoluer. On les a vus précédemment réussir de belles choses ; ils peuvent donc le refaire. Ça ne peut pas s'être s'envolé. S'ils ont de l'ambition, un peu d'amour-propre, ils se rendront compte que travailler avec un tel entraîneur ne peut que les faire progresser. Marcelo mérite le respect.
Certains choix sont quand même surprenants, non ? L.F. : Il n'a peut-être pas voulu mettre Doria avec Aloé, et Morel latéral gauche car sa défense centrale aurait manqué d'expérience. À Bilbao, au Mexique ou au Chili, on ne parle de Bielsa qu'en des termes positifs. Les mots qui reviennent à son sujet sont professionnalisme, travail, investissement. Pourquoi les Marseillais l'aiment ? Même s'il aurait souhaité un ou deux éléments de plus comme Manquillo, ils sentent qu'il est vrai et sincère.
Que doit faire Bielsa pour sortir de cette période difficile ? L.F. : Je dirais une chose aux joueurs : "Que l'on aime ou pas ses séances, Messieurs, c'est à vous de jouer". Cet homme-là a un comportement plus qu'honnête. Le seul qui pourrait se plaindre, c'est peut-être Doria. Pas les 24 autres. Quand il se trompe dans ses choix, il le reconnaît. Que les joueurs aient le courage de dire qu'ils se sont trompés à Nice ou à Grenoble ! Je ne veux qu'une chose : que Bielsa réussisse. S'il échoue, on va laisser partir un grand entraîneur.
Les joueurs peuvent-ils avoir raison de sa patience ? L.F. : Il a une expérience inimaginable, vous ne vous rendez pas compte ! Guardiola ou Villas-Boas s'en sont inspirés ! Hier, il a fait un signe à Lemina pour lui demander de faire du un contre un. Sur l'action suivante, Lemina les a transpercés ! Marcelo sent les choses. Il ne reprochera jamais à ses joueurs d'avoir du déchet s'ils tentent ; il reprochera de ne pas tenter. Ces mecs-là n'ont pas pu tout perdre. Ou alors deux ou trois mettent le frein à main. Si c'est le cas, qu'ils le disent !
Craignez-vous que Bielsa puisse jeter l'éponge ? L.F. : C'est un point d'interrogation. Le connaissant, il est capable de partir demain ou dans une semaine. Sachez qu'il n'en a pas fait une question d'argent. C'est un artiste, il peint une équipe, veut qu'elle soit la plus belle possible pour être champion. Il a redonné de la fierté aux Marseillais, l'envie d'aller au stade. Après, il joue avec ce qu'il a. Encore une fois, il ne faut pas que ce mec s'en aille ! Ce serait un échec pour le football. C'est une attraction. Il exige une vraie implication à ceux qui l'entourent. Son staff est à fond ! Franck Passi, parfois, ne dort pas ! Maintenant, la balle est dans le camp des joueurs. Avec une équipe qui n'est pas peut-être pas la meilleure que Marseille ait connue lors des dix dernières années, l'OM peut quand même être champion, en envoyant du jeu, en mettant de l'envie et de l'enthousiasme.
Pas d'inquiétude, alors ? L.F. : Moi, j'y crois. J'attends avec impatience le prochain match.
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