Anigo : « Le foot est devenu dérisoire »
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Je connais José Anigo depuis des lustres. Joueur d’abord. Modestement je peux dire que nous partagions les mêmes installations au Centre d’entraînement de l’Huveaune, quand il était cadet, et moi, humble joueuse de l’équipe des jeunes olympiennes de l’époque Lolo Gombert. Joueur toujours quand j’ai commencé ma carrière professionnelle comme journaliste à l’arrivée de Tapie puis entraîneur qui a fait ses premières armes en 2001, au retour de Tapie toujours. Nos relations ont été souvent amicales, parfois orageuses et quelquefois très distantes après certains papiers parus dans l’Equipe, même si le respect a toujours existé entre nous. Depuis quelques années, elles se sont apaisées.
L’homme a pris l’habitude de faire son travail de directeur sportif dans l’ombre. Aujourd’hui, Vincent Labrune l’a fait revenir en pleine lumière, en lui confiant le rôle très exposé d’entraîneur de l’OM. Au delà de l’aspect sportif qui est relaté chaque jour dans votre média favori, j’ai voulu vous faire partager ma dernière rencontre avec José Anigo.
- José Anigo, comment ça va?
- On respire. On est là où on voulait être pour le moment (après la victoire sur Bastia, 3-0) donc ça va.
- On a toujours l’impression que c’est le chaos à l’intérieur du club ?
- Si on a l’impression que c’est chaotique, c’est peut-être qu’on n’est pas bon dans la communication. Si on pouvait montrer comment ça se passe et comment on vit, on verrait que non, ce n’est pas le chaos. Est ce que tout est bien ? Non car quand les résultats ne sont pas là, ce n’est pas ça mais de là à dire que c’est le chaos… Les joueurs s‘entendent bien, les gars vivent bien ensemble, le staff médical et sportif, aussi. En face du bâtiment administratif, le club vit et travaille. Les gens ne veulent pas le voir mais le club a progressé, les installations ont poussé, l’équipe a atteint de manière régulière les objectifs de Ligue des champions. Après, on est dans un club où la politique a toute son importance et certains à l’extérieur, essaient de faire en sorte que ce soit compliqué pour nous à l’intérieur.
- Pouvez-vous expliquer ces propos quelques peu sibyllins ?
- Pour moi, c’est très clair. A l’extérieur, la mauvaise vision des choses est grossie, déformée, amplifiée, par qui ? Pourquoi ? Comment ? On parle de chaos, c’est ce que pense aussi le Marseillais de base alors que c’est faux. Mais on est sans doute mauvais dans la communication. On devrait montrer exactement ce qui se passe à l’intérieur…
- Il n’y a pourtant dans ce club, que des hommes de communication, le président, le directeur des médias, l’ancien journaliste de la Provence comme directeur d’om.net?
- Peut-être, mais on devrait être meilleur dans ce qu’on montre, être plus visible, plus transparent. Plus visible pour que les gens comprennent que s’il n’y a pas de résultat, il s’agit d’une crise de résultats, mais qu’il n’y a pas le chaos à l’intérieur du club, ce sont deux choses totalement différentes. Il existe des structures fortes, les présidents passent mais le club est debout, des gens continuent à travailler autour, il n’y a le foot et que le foot.
- Vous ne pouvez nier que le centre de formation de l’OM est en crise ?
- Le centre de formation est en chantier continu et il faudra qu’à un moment donné, on se pose les bonnes questions. A savoir : Est-ce que ce centre de formation ne doit pas passer sous contrôle professionnel à 100% ? (NDLR: il est géré aujourd’hui par l’association OM). C’est inévitable à mon avis si on veut avancer. Cela ne veut pas dire qu’il faut faire sortir les gens qui travaillent au centre, on aura toujours besoin de bénévoles, mais pour que le centre de formation devienne ultra performant, à un moment donné, il faut réfléchir à une fonctionnement différent.
« Je prends du plaisir dans le travail quotidien »
- Parlons de vous, comment vivez-vous votre CDD d’entraîneur ?
- J’espère qu’il se terminera bien et que j’aurai atteint l’objectif fixé, soit, dans un premier temps de remettre l’équipe sur des bons rails et deux, terminer dans les 3, 4 premiers. J’ai récupéré un bébé qui était malade, et j’ai essayé de faire en sorte de le soigner au mieux.
- Cela vous a redonné l’envie d’entraîner ? Et du plaisir au moment des victoires?
- Non, pas forcément sur ces moments-là. Gagner ou perdre, c’est anecdotique. Ca dépend de tout le monde, je suis autant impliqué dans la défaite que dans la réussite. Non, moi, ce que j’aime, c’est le travail au quotidien. Je prends du plaisir, quand je suis à l’entraînement, avec les joueurs, d’échanger avec eux, de voir progresser les uns et les autres. Ca me plaît d’essayer de trouver les solutions. Je suis par exemple assez content d’avoir pu remettre l’organisation offensive en place, c’est une équipe qui marque des buts. Et d’avoir relancé Gignac.
- Vous êtes un entraineur qui prône l’offensive ?
- On est une équipe offensive. Je ne suis pas parti pour fermer le jeu. Si j’avais su le faire contre Nice, on aurait sans doute eu un autre résultat. Les gens viennent au stade pour voir des buts, du spectacle. Est-ce qu’on en fournit ? Pas toujours. Est-ce qu’on va essayer d’être meilleur ? bien sûr. On essaie de faire au mieux mais si nous n’avions aucun problème, je n’aurai jamais été entraineur aujourd’hui. On part de loin quand même.
- Qu’avez-vous apporté ?
- Ce que je sais faire au quotidien mais en plus dans ce vestiaire, j’ai réussi à remettre les choses à l’endroit, à fédérer les joueurs. La vie du vestiaire elle, est meilleure, ça vit bien, il n’y a plus de malaise entre les jeunes et les vieux, ce que les gens ont cru deviner auparavant. Aujourd’hui, il y a une certaine harmonie, après les résultats ne sont pas forcément toujours au rendez-vous.
- Cela aurait pu vous donner envie d’entraîner ailleurs ?
- Je ne sais pas, je ne peux pas me projeter si loin. Ce qui s’est passé dans ma vie récemment a entraîné des complications familiales vraiment importantes. Je ne veux pas rentrer dans les détails. Tout ça me fait considérer un peu le foot entre parenthèses, parce que j’ai déjà lâché un de mes enfants dans la nature comme ça et que je l’ai perdu, je ne veux pas recommencer. Mes filles ont besoin de moi. Alors est-ce que c’était le bon moment pour moi de reprendre le club, je n’en suis pas certain. C’est pour cela que je ne peux pas accepter que les gens pensent qu’à un moment donné, j’ai piégé Elie, comme je l’ai entendu ici ou là. Jamais de la vie, je n’ai envisagé de reprendre cette équipe ou de revenir à ce travail d’entraîneur à ce moment là de ma vie.
- Vincent Labrune vous l’a imposé ?
- Vincent a pensé que c’était bien pour l’équipe, j’ai accepté pour le club parce qu’ils ont été hyper corrects avec moi dans ces moments là. Mais le bon moment pour moi ? Peut-être pas…
« Un entraineur étranger à forte personnalité »
- C’est usant d’être entraîneur?
- C’est usant, contraignant, cela demande beaucoup d’investissement. Car à côté du boulot d’entraîneur, je dois continuer aussi à être directeur sportif, même si Vincent en fait une bonne partie mais la famille pour moi est une priorité. Je ne veux pas passer à côté de ce qui est nécessaire pour mes filles et ma femme.
- Alors cela restera un CDD, cette mission d’entraîneur ?
Je fais au mieux mais je le dis très clairement, je n’ai pas la tête à repartir comme entraîneur.
- Ailleurs peut-être ?
- Non ni ailleurs, ni ici, je ne me projette pas.
- Vous participez à la réflexion de l’entraîneur ?
Oui bien sûr. J’espère qu’on va trouver quelqu’un de bien, c’est la meilleure solution pour le club.
- A l’étranger ?
- En France, c’est difficile de trouver ce profil. L’idéal, ce serait un étranger qui parle français, qui a une forte personnalité, à la Eric Gerets, qui a une méthode, de l’expérience, c’est nécessaire pour les joueurs, le club et pour l’extérieur.
- Et vous redevenez directeur sportif ? Est-ce qu’avec les rumeurs qui traînent autour de vous, il existe une série de procédures dans le club pour ne pas vous occuper des transferts sur le plan financier?
- Je n’ai pas de souci avec ça, rien n’a changé depuis 8 ou 9 ans que je le fais. Je ne gère pas la partie financière et je ne l’ai jamais gérée. Je continue à travailler sur la partie sportive, trouver des infos, et je transmets, je ne m’occupe pas du reste. D’ailleurs jusqu’à aujourd’hui, beaucoup en ont parlé mais il n’y a rien pour accréditer cette thèse.
- Vous n’êtes pas le voyou qui contrôle tout à l’OM ?
- (agacé) Mais non, mais non, Il faut arrêter avec ça! C’est de la pure fiction. Je le dis depuis des années mais personne ne m’entend. Qu’est ce qu’il faut que je fasse pour qu’on m’entende ? C’est quoi ce truc ? Je comprends les gens qui pètent les plombs parce qu’on leur a foutu une étiquette qui n’était pas leur. Je le vis quelquefois avec du détachement et parfois de la colère. Je ne me reconnais pas du tout de la manière dont on veut me décrire. Je ne suis pas un enfant de cœur mais pas autre chose.
- Et avec la mort de votre fils, certains ont fait des amalgames?
- Hormis quelques sales personnes qui ont voulu les faire, dans la grande majorité, les gens ont été gentils et corrects. On essaie de se reconstruire avec ma famille mais je ne sais pas si on y arrivera. Quand je vois l’impact que cette absence a sur mes enfants, les enfants de mon fils. Le foot, dans ces moments là, redevient très dérisoire, très secondaire. On ne peut pas me faire plus mal que ce que j’ai vécu.
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