Citation:
Droit dans le mur ?
Sans une sérieuse remise en question en coulisses et sur le terrain, le champion sortant pourrait courir à sa perte.
MARSEILLE –
de notre envoyé spécial permanent
À FORCE de dire tout et son contraire, de multiplier les annonces sans les concrétiser, l’OM a franchi cette semaine la frontière du grand n’importe quoi. Que son euphorique mois de mai semble loin… Hier, en fin d’après-midi, ce n’est pas seulement le champion piégé par le promu caennais (1-2) pour l’ouverture de la Ligue 1 qui a rallié Valenciennes par les airs. C’est aussi un club en crise, plombé par les luttes d’influence, les rebuffades de ses stars et un mercato qui ressemble, pour l’heure, à une cure d’amaigrissement. Comme prévu, Hatem Ben Arfa n’a pas pris l’avion, hier. Mamadou Niang, lui, prendra bien de l’altitude. Son voyage sans retour à destination de la Turquie est annoncé. Fenerbahçe attend le capitaine marseillais lundi prochain.
Les festivités passées, la gestion du titre prend souvent l’allure d’un pensum en France. Des bouderies de Loko et Karembeu à Nantes en 1995 à celle de Chamakh l’été dernier à Bordeaux en passant par celle d’Essien à Lyon en 2005, l’histoire contemporaine de notre football regorge de lendemains compliqués dans le vestiaire du champion sortant.
Deschamps-Anigo,
avis de tempête
Il n’empêche, le chapitre qu’est en train d’écrire l’OM dépasse l’entendement. Au cœur des tourments, la campagne de recrutement, qui génère le doute et réveille les vieilles rancœurs. Outre Luis Fabiano, l’attaquant brésilien du FC Séville avec qui Antoine Veyrat, le directeur général olympien, négocie actuellement et le milieu de terrain bordelais Alou Diarra auquel Deschamps n’ose plus rêver, il faudrait un miracle pour qu’elle ne laisse pas des traces dans le quotidien du club.
Les relations entre José Anigo et « DD », qui s’étaient nettement apaisées lors du premier semestre de l’année à la faveur des excellents résultats de l’OM, se sont refroidies. C’est un euphémisme. Entre eux, le lien de confiance semble rompu. Le directeur sportif reproche à l’entraîneur de l’avoir tenu à l’écart de ses plans pendant tout le mois de juillet. Deschamps soupçonne notamment Anigo d’avoir favorisé le transfert de Niang, alors que Jean-Claude Dassier avait soutenu le coach en déclarant l’attaquant sénégalais « intransférable ».
Le président de l’OM peine à régler les dissensions entre son entraîneur et son directeur sportif. Un compromis paraît difficilement envisageable tant leurs théories sont à l’opposé. En matière de recrutement, Deschamps privilégie les footballeurs reconnus et expérimentés. Malgré les coûteux échecs de Morientes et Rool, les résultats de la dernière saison lui donnent raison. Anigo, lui, préfère aller à la pêche aux bonnes trouvailles. Certaines, comme Valbuena, Kaboré, Mandanda ou Taiwo ont rapporté gros ; d’autres moins (Samassa, Moussilou, Grandin, Fomen). C’est logique : la prise de risques sur ces dossiers est plus importante.
Le vestiaire se pose des questions, et pas seulement sur la vie contrariée du couple Deschamps-Anigo. Il y a ceux, comme Lucho, qui attendent des renforts pour améliorer le potentiel de l’équipe, ceux, comme Mbia, Cissé, Kaboré ou Valbuena, qui ne comprendraient pas qu’on refuse une revalorisation de leur contrat, vu le salaire annoncé pour le Brésilien Luis Fabiano (4 M€ net par an), ceux, comme Cheyrou, qui vivent mal leur nouveau statut de remplaçant.
Bisevac :
« C’est le bon moment
pour jouer l’OM »
Un succès dans le Nord ce soir annoncerait au moins une accalmie, mais il ne gommerait pas d’un trait de magie tous les problèmes. L’équation posée par le conseil de surveillance du club à la fin du mois de mai – renforcer l’équipe tout en réduisant la masse salariale d’au moins 10 % – semble insoluble. Le marché des transferts est bloqué et les joueurs sur lesquels Deschamps ne compte plus, à commencer par Cheyrou, ont du mal à trouver preneur.
Le pire, pour Marseille, c’est que sa piteuse image fait l’effet d’une vitamine sur ses adversaires. « C’est le bon moment pour jouer l’OM », indique par exemple le défenseur de VA, Milan Bisevac : « Beaucoup de joueurs sont arrivés tardivement et, si j’écoute Deschamps, je vois qu’il y a plein de petits problèmes. Il faut en profiter parce que cette équipe n’est peut-être pas encore prête. » Elle est surtout diminuée. Privé de son axe central Mbia-Diawara, Deschamps doit encore composer avec l’absence en attaque de Brandao, qui purge son dernier match de suspension. Hier matin, après avoir eu un échange avec Mamadou Samassa, le technicien basque s’est résolu à ne pas l’intégrer dans son groupe des 18. Le Malien lui a appris qu’un accord avait déjà été trouvé pour son retour à Valenciennes dès la semaine prochaine…
RAPHAËL RAYMOND