Rudi Garcia : «Pour les top joueurs, on est encore un peu courts» Le 10/08/2017, mis à jour le 10/08/2017 10:44:58 Ne pas vendre du rêve, tout en étant audacieux. Le défi de l'entraîneur de l'OM se trouve à ce carrefour : ranimer une flamme encore vacillante l'été dernier, sans se brûler sous l'impitoyable soleil marseillais.
MARSEILLE - Le ton est franc, les mots précis. Rudi Garcia dessine les contours de son effectif, ses ambitions dans le jeu et au classement, le patient travail de reconstruction de l'OM. Et aborde sans trembler le fameux dossier du grand attaquant.
«Combien de joueurs attendez-vous d'ici à la fin du mercato ? Un attaquant axial, un latéral gauche. Ce sera tout, à mon avis. Après, on verra s'il y a des départs.
Un autre défenseur central ? Je suis très content de Rolando, il a toujours été titulaire depuis que je suis là. Cela n'empêchait pas qu'on cherchait un deuxième central car Rolando sera en fin de contrat en juin prochain. On voulait travailler là-dessus.
Voulait ? Aujourd'hui, on ne peut pas. Si on ne sort pas des joueurs, on ne peut pas en rentrer. On a un budget à respecter et le président le fait respecter, à juste titre. On a déjà beaucoup de centraux, un de plus, ce sera compliqué.
Vous avez aussi beaucoup de latéraux à gauche... Oui et non. Des spécifiques, j'ai Pat Évra et le petit Rocchia. Et puis Henri (Bedimo), pour lequel les choses sont claires.
Et bientôt Amavi... C'est possible. Il faudra être prudent et attendre la visite médicale. Le but, s'il vient, c'est de préparer la suite et la succession de Pat la saison prochaine.
C'est comme ça que vous lui expliquez à Évra ? C'est la vérité, c'est comme ça qu'est la situation. Le tout, c'est d'être transparent. Pat sera en fin de contrat en juin, j'espère qu'on fera tout pour le garder. Cela voudra dire qu'il a fait une grande saison.
Et pour Bedimo ? C'est un choix. On ne veut pas de deux joueurs âgés à ce poste-là (Évra a 36 ans, Bedimo 33).
En termes de quantité, votre effectif est-il assez armé pour les quatre compétitions ? On est nombreux en défense centrale, pas très riche sur les côtés. Si on peut faire un latéral à gauche (Amavi) et un à droite, c'est encore mieux. Sinon, pourvu que je ne me trompe pas - mais je ne pense pas - et que Bouna Sarr fasse l'affaire comme latéral droit. Au milieu, on peut se poser quelques questions, on n'est pas si riches que ça. Mais Sertic peut y évoluer, tout comme Kamara. Et il faut un attaquant car Valère Germain ne va pas faire 55 matches tout seul devant.
Quel est l'attaquant idéal ? Un attaquant de surface, un buteur, bon de la tête, puissant athlétiquement. C'est l'idée, après...
Jeune ou expérimenté ? Peu importe, l'essentiel est qu'il soit bon, mette des buts, et puis qu'il soit dans nos cordes.
On a beaucoup parlé d'Olivier Giroud... Je pense qu'il ne veut pas venir à Marseille, Olivier Giroud. Le problème, c'est ça. Ça peut se comprendre, quand on est l'attaquant de l'équipe de France, qu'on évolue à Arsenal et qu'on va éventuellement changer de club, on peut avoir d'autres centres d'intérêt que l'OM. Alors, j'allais dire qu'on ne joue pas la Ligue des champions, mais Arsenal ne la joue pas non plus, même si c'est la première fois depuis une centaine d'années (sourire).
Ce serait l'attaquant idéal ? Dans le profil, oui. Mais il nous faut des gens motivés. Cela montre aussi que nous avons des paliers à franchir pour qu'on soit complètement attractifs. Qu'un joueur comme Luiz Gustavo nous rejoigne, c'est déjà un beau message pour les autres. Mais aujourd'hui, pour avoir des top joueurs, on est encore un peu courts. C'est important de le dire. Je ne sais pas quel attaquant on arrivera à faire venir, mais j'entends beaucoup de choses, et il ne faut pas que les gens rêvent et pensent qu'on va prendre un top joueur. On n'en a pas les moyens. Pour l'instant, c'est comme ça, et Dieu sait si on a la chance d'avoir un actionnaire qui a déjà donné beaucoup de sa poche : plus de 100 M€ de ses deniers personnels. Au club, on pense qu'on va prendre un grand attaquant, qui ne l'est pas forcément maintenant, mais le deviendra.
Quand vous voyez Nice prendre Sneijder, que vous dites-vous ? C'est un nom. Mais ce n'est pas un 9. Sinon, cela ne coûterait pas le même prix. La différence est là.
Vous avez été pourtant capables de mettre 30 M€ sur Dimitri Payet... Oui, c'était en janvier. Pour les chiffres, demandez à mon président. Il ne faut juste pas leurrer les gens et qu'on soit critiqués par rapport à l'attaquant qu'on va prendre.
Il y a un grand attaquant libre, sur le marché, un certain Ibrahimovic. On n'a jamais été en contact avec lui. C'est un grand joueur, mais il est blessé (genou), et pas opérationnel.
On vous trouve bien serein sur ce dossier de l'attaquant alors que le temps passe... On va bien en trouver un avant le 31 août. Par habitude, je sais qu'il y en a un qui ne joue pas chez lui et qu'on arrivera à convaincre. Andoni (Zubizarreta, le directeur sportif) bosse, ça va se faire, il n'y a pas de raisons, même si on est beaucoup à chercher en Europe à ce poste-là. C'est un peu l'inquiétude. Il y a Fenerbahçe ou l'AC Milan, qui cherche aussi à se séparer de Bacca ou Lapadula.
Justement, certains sont toujours sur le marché, comme Bacca (AC Milan) ou Jovetic (Inter). Il y a moyen de faire de bonnes affaires sportives, il faut être patients, ne pas se presser. Il n'y a pas de stratégie particulière, si on avait le joueur tout de suite aux conditions qu'on veut, on le prendrait.
L'OM bien placé pour Carlos Bacca (AC Milan), mais rien n'est fait Transferts : Marseille bouge pour Stevan Jovetic Pour l'instant, vous avez Germain. Qu'est-ce qui vous a motivé à le prendre ? Il lui restait une année de contrat, il fallait foncer dessus. À Nice, il a été exceptionnel, à Monaco aussi. Il a été titulaire jusqu'à l'éclosion de Mbappé. Valère peut faire une grande saison. Il est sous-coté. C'est un joueur intelligent, qui se déplace bien, il joue en équipe, il est capable de faire marquer. Je n'ai aucun souci sur le fait qu'il puisse jouer tout seul devant, à deux et même sur un côté. Si un autre attaquant arrive comme on l'espère, il faudra de toute façon se poser la question de sa place. Les mettre ensemble ? Les faire tourner ? Mais on sera toujours mieux avec plus de joueurs.
Que vous apporte votre recrue phare, Luiz Gustavo ? C'est un homme de qualité et un joueur énorme. Il va falloir se roder au milieu et s'ajuster avec notre défense, mais on est capables de sortir les ballons encore plus proprement que la saison dernière.
A-t-il fallu batailler pour le convaincre ? Tout le mérite revient à Andoni, qui a fait toutes les démarches. Moi, je lui ai expliqué, dans un hispano-portugais mélangé d'anglais ce que je comptais faire avec lui. Mais on a bénéficié de la promotion de son ami Dante, de Nice, et peut-être même de Franck Ribéry. Luiz s'est renseigné sur Marseille, le club, sur moi. Je pense qu'il est heureux. Je lui pose souvent la question.
Parce qu'il sourit rarement ? Il a une grosse voix grave, mais je peux vous dire que ça rigole avec Doria, Rolando et Ocampos. C'est agréable, ça met de la bonne humeur.
Ocampos revient de prêt. Est-ce une découverte pour vous ? Je connais le joueur depuis qu'il est à Monaco. On a failli le prendre à Rome, comme Luiz Gustavo d'ailleurs. Quand j'ai su qu'Ocampos avait une clause aussi basse (8 M€), je pensais que le Genoa allait l'acheter. Et, franchement, je n'étais pas content, car je trouvais que c'était donné. Finalement, personne ne l'a pris. Je veux le conserver, c'est aussi clair que ça. On n'a pas ce profil. Il peut jouer aux trois postes derrière l'attaquant et même n° 9. Il a le gabarit, la puissance athlétique, il est technique, il voit le jeu. Moi, j'y crois vraiment à ce joueur.
Vous avez retrouvé Adil Rami. Est-ce toujours le même ? Il m'a l'air un peu plus tranquille (sourire). Mais il n'a pas beaucoup changé quand même. Il est toujours aussi joyeux, blagueur, motivé, c'est une force de la nature. Techniquement, quand il reste simple, il est précieux. Il n'a pas peur de jouer, Adil, même s'il faut qu'il se débarrasse de quelques gestes parasites quand il se prend pour un n° 10 !
Avez-vous choisi la facilité en recrutant une vieille connaissance ? Je l'ai surtout pris parce qu'il peut rivaliser avec n'importe quel attaquant sur la planète. C'est plutôt une démarche intelligente de récupérer des joueurs compétents dont tu connais la qualité et l'état d'esprit, non ? Que ceux qui se posent la question se demandent si, dans leur entreprise, ils ne seraient pas contents de voir revenir un employé qui faisait du bon travail et avec lequel ils s'entendaient bien. C'est aussi bête que ça.
Karim Rekik est parti cet été au Hertha Berlin, vous ne comptiez pas beaucoup sur lui mais il a été très classe sur vous au moment de s'exprimer... La réussite d'un coach, c'est d'entendre ce genre de témoignages. Le seul échec que je m'attribue la saison dernière, c'est de ne pas avoir réussi avec lui. On verra ce qu'il va faire, mais j'espère pour lui que j'aurai toujours ce regret et qu'il va réussir. Ça peut arriver de passer à côté d'un joueur.
Cela avait été le cas avec Aubameyang à Lille. Oui, c'est juste. Ça dépend du contexte, de l'âge. Après, il faut être un minimum transparent et dire les choses aux joueurs. Comme dans la vie, c'est plus facile de dire oui que non. Quand c'est non, il faut savoir le dire et expliquer pourquoi, sans mettre le bonbon dans un beau papier doré.
Certains joueurs de l'effectif savent donc que vous ne comptez plus sur eux. On ne peut jamais dire ça dans le foot. Mais certains savent que, pour moi, d'autres passent avant eux. C'est malheureux pour un Rod Fanni, par exemple. Mais, aujourd'hui, il est plus cinquième central dans mon esprit que troisième. Pour l'avenir du club, je préfère contribuer au développement d'un Matheus Doria qu'aligner un joueur de trente-cinq ans. Rod le sait.
Qui est susceptible de partir aujourd'hui ? Henri Bedimo, Rod Fanni, Rémy Cabella peut-être (voir par ailleurs) ou un autre devant.
Vous n'ajoutez pas Bouna Sarr ? Non, parce que maintenant, il joue derrière ! Je n'ai pas de doublure de Sakai, il faut bien que je m'en invente une.
Vous avez Bouna Sarr, le PSG a Neymar. Que pensez-vous de l'arrivée d'une telle star en L 1 ? C'est un vrai plus pour la visibilité internationale du Championnat. Je suis revenu aussi pour ça : la L 1 attire de grands joueurs, de grands coaches étrangers. Elle est beaucoup plus attractive. C'est un vrai challenge : en Espagne ou en Angleterre, la quatrième place est qualificative pour la Ligue des champions. Ici, cela va être une vraie bataille rangée pour finir troisièmes et avoir peut-être la chance de la disputer.
Comment jugez-vous la concurrence ? Paris est au-dessus, ils n'auront pas un deuxième accident industriel d'affilée. Monaco a perdu de grands joueurs, mais il en reste, je les vois pas loin derrière. Après, la bataille sera avec Lyon, qui s'est beaucoup renouvelé, Nice, qui joue super bien au ballon.
Quel est votre projet de jeu cette saison ? La philosophie qu'on développe depuis huit mois. Une équipe qui a la possession, qui repart de derrière, qui a un jeu technique, court, porté vers l'avant, qui marque des buts et qui gagne des matches surtout !
Le 4-2-3-1, avec Payet en no 10, peut-il devenir votre schéma préférentiel au détriment de votre habituel 4-3-3 ? Dimitri, il n'a jamais été meilleur que lorsqu'il joue à gauche. À partir du moment où on ne le cloisonne pas, il se balade, vient faire le jeu. Il peut aussi changer de côté. C'est un faux débat.
Pourquoi lui avoir confié le brassard ? C'est un leader à l'OM et en équipe de France. Ce n'est plus le même Dimitri qu'à Lille. Il s'investit, il parle, il motive les troupes et ça il ne le faisait pas avant. Il s'est affirmé.
L'effectif a changé, il y a aujourd'hui plus d'internationaux, avec la Coupe du monde comme objectif. Oui, il y a Luiz Gustavo, mais aussi les Français Payet, Thauvin, Rami, Mandanda, pourquoi pas Sanson. Il y a d'excellents joueurs français ailleurs, mais il faut que les miens poussent. Plus j'aurai d'internationaux, plus je serai content.
Vous êtes invaincus depuis le 1er mars. Mais il y a eu des moments difficiles la saison dernière, comme cette déroute à domicile contre le PSG (1-5) ou les matches face à Monaco (0-4, 1-4 en L 1). Comment avez-vous vécu cette période ? Il suffit juste de relever la tête et bosser. C'est plus difficile à accepter dans la manière, surtout la gifle contre Paris. Ce match a montré l'écart qu'il y a entre une équipe comme celle-là et la nôtre. Finir cinquièmes a été un vrai exploit vu d'où on est partis. Mais cinquième, ce n'est pas la place de l'OM. Je ne suis pas venu là pour finir cinquième. Je suis là pour qualifier le club en Ligue des champions. Je ne sais pas si ce sera pour cette année, ce n'est pas l'objectif affiché. Mais l'ambition, c'est celle-là. Je veux ramener l'OM en C 1, gagner des titres. La dernière fois que l'OM a gagné des titres, c'était avec Didier Deschamps, non (2009-2012)? On veut faire le mieux possible, mais step by step.
Ce discours de patience peut-il marcher à Marseille ? Il n'y a pas le choix. On ne peut proposer que ça. Les choses peuvent peut-être s'accélérer avec les résultats sportifs, mais il faut que les infrastructures suivent et la formation aussi. C'est ce qu'on est en train de faire, cela prend du temps. Après, la singularité de l'OM, on l'a vue contre Dijon (3-0). La tribune des Winners était suspendue, sinon on faisait guichets fermés pour le premier match de la saison ! L'enthousiasme est là, la passion aussi. Mais il ne faut pas vendre n'importe quoi à nos supporters. On vend du travail, de la sueur, on vend du beau jeu et des buts marqués parce qu'on a envie de voir ça. Mais on ne vend pas qu'on va finir champions. Ce n'est pas pour maintenant. Ce n'est pas que je manque d'ambition. Je suis peut-être l'entraîneur le plus ambitieux dans le Championnat de France.»
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