OM : les failles du recrutement
Marseille / Publié le Samedi 08/02/2014 à 06H09
La cellule olympienne supervise de nombreux joueurs, mais les rapports restent souvent à l'état d'archives
Malgré le travail de la cellule de recrutement, Vincent Labrune et José Anigo privilégient leurs réseaux.
Adama Guidiala, Robin Taillan, Brice Dja Djédjé. Un jeune attaquant franco-ivoirien de 18 ans jamais supervisé, un amateur de 21 ans observé à deux reprises et le latéral droit du 17e de Ligue 1, "vu et revu". Tel est le bilan des emplettes de l'OM lors du dernier mercato d'hiver, qui a refermé ses portes le 31 janvier à minuit.
En comparaison du recrutement dispendieux de cet été, où plus de 40 M€ ont été investis, cela n'a plus rien à voir. Il n'y a rien de commun, non plus, avec le précédent marché hivernal des transferts. L'an dernier à pareille époque, l'OM avait misé sur Brice Samba, Alaixys Romao, Modou Sougou et Foued Kadir. Un an plus tard, si l'ex-Lorientais s'est imposé, le premier est toujours sur le banc derrière Steve Mandanda, les deux derniers ont été priés de faire leurs valises, respectivement à Évian TG et à Rennes, avant (peut-être) de revenir.
Ces prêts (avec ou sans option d'achat) soulignent que les ajustements opérés en plein mercato d'hiver ne sont pas forcément en adéquation avec les nécessités du collectif. Une question se pose donc : à quoi sert la cellule de recrutement de l'OM ?
En principe, les dirigeants devraient exploiter le travail de celle-ci durant ces périodes, afin de cibler les joueurs en fonction des besoins conjoncturels de l'effectif et pour, bien entendu, limiter la marge d'erreur et minimiser les risques. Cet indicateur devrait prévaloir, qui plus est dans un club où l'entraîneur a été changé en cours de saison et dont l'équipe a été éliminée de toutes les compétitions, hors L1.
Le travail de ces superviseurs reste le plus souvent à l'état d'archives sur leurs logiciels
En principe seulement car, dans les faits, ce n'est pas le cas, quand bien même José Anigo s'en défend. Dirigée par l'ancien Olympien Jean-Philippe Durand, vainqueur de la Ligue des champions en 1993, ladite cellule, réservée à 90 % au secteur professionnel (le restant étant dévolu à la post-formation) et à différencier du recrutement des jeunes du centre, compte également dans ses rangs François Brisson, Michel Flos et Roland Gransart.
Le hic, c'est que le travail - pourtant conséquent - de ces superviseurs reste le plus souvent à l'état d'archives sur leurs logiciels. La situation n'est pas nouvelle. De tout temps, les présidents (à l'exception de Jean-Claude Dassier, pas franchement impliqué dans ce domaine-là) et le directeur sportif ont traversé les mercatos en se fiant à leur propre réseau d'informateurs et d'agents, privilégiant leur carnet d'adresses. Face à cette gabegie, il a même parfois été question de supprimer purement et simplement l'entité. Certains, au club, ayant considéré à plusieurs reprises qu'elle servait avant tout à "faire du social" et à "recaser les anciens".
Albert Emon, par exemple, y a oeuvré temporairement, après avoir été limogé en 2007. Michel Flos, lui, était en froid avec l'OM (il avait été remplacé à la tête de la réserve par Franck Passi) avant de finalement intégrer le quatuor durant l'été 2012. Depuis, ce dernier assiste à beaucoup de rencontres, en Ligue 2 et en National surtout. Sur la route toute la sainte journée, François Brisson, de son côté, est reconnu comme un bosseur acharné. Ce qui lui a valu d'être contacté par un autre club de Ligue 1. Quant à Roland Gransart (qui supervise surtout les prochains adversaires des Olympiens), nombreux sont ceux qui s'accordent à dire qu'il possède "un bon oeil".
Alors, où se situe le problème ? À plusieurs niveaux, et pas seulement dans les relations glaciales entre Anigo et Durand, tous deux réunis hier pour parler d'une même voix. "Il n'y a jamais eu aucune concertation entre le président, le directeur sportif, l'entraîneur et les gens de la cellule", regrette un ancien membre de l'encadrement du club. Repéré à 17 ans, Cesar Azpilicueta aurait pu, par exemple, devenir tout de suite olympien pour une modique somme. L'OM a finalement fait un chèque de 7 M€ à Osasuna pour le faire signer trois ans plus tard...
"Quand on voit l'équipe actuelle de l'OM, on sent qu'elle n'a pas été pensée par des professionnels"
Le club marseillais est encore très loin du compte. Et on ne parle même pas du FC Porto, référence dans le genre, dont le réseau étend ses tentacules jusqu'au fin fond de l'Amérique du Sud. Le club portugais devrait pourtant être LE modèle. Qui connaissait Lisandro, Hulk et Falcao (pour ne citer qu'eux) avant qu'ils ne portent le maillot des Dragons ?
"Si c'est pour prendre Payet, Imbula ou Dja Djédjé, tu n'as pas besoin de recruteurs !", s'exclame un président de L1. À juste titre. Il est inutile d'être un scout au regard d'expert pour miser sur Gignac ou Rémy, deux des meilleurs buteurs français, quand il faut remplacer Niang à la dernière minute (en 2010). Le casting estival, réalisé et produit par Vincent Labrune, n'échappe pas à la règle.
Et Florian Thauvin, recruté contre 15 M€ alors que l'OM l'a manqué à deux reprises dans le passé, en est le parangon. Si les synergies étaient réelles entre le secteur sportif et la cellule, le club olympien n'aurait pas attendu l'éclosion bastiaise de l'Orléanais et son transfert à Lille pour s'attacher ses services, mais se serait penché sur son berceau à Grenoble. "Quand on voit l'équipe actuelle de l'OM, on sent qu'elle n'a pas été pensée par des professionnels. On empile des joueurs, résume un autre dirigeant de l'élite hexagonale. En réalité, Labrune joue à Football Manager !"
Une ultime escarmouche déjà entendue dans la bouche d'agents de joueurs, proches du club ou pas. Football Manager, qu'es aco ? La référence mondiale en terme de gestion de club de foot. Sauf qu'il s'agit là d'un jeu vidéo, fut-il remarquablement réaliste...
Dans la vie réelle, les dirigeants de club construisent leur équipe en commençant par les fondations pour finir par la charpente. Cet été, l'OM a fait l'inverse.
José Anigo, directeur sportif du club et Jean-Philippe Durand, responsable de la cellule recrutement se sont entretenus avec nos journalistes sur le sujet. Retrouvez leurs interviews dans notre Edition Abonnés.