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HATEM BEN ARFA se dit prêt à arrêter sa carrière si Marseille ne le laisse pas rejoindre Newcastle.
Hatem Ben Arfa n’était pas à Valenciennes hier soir. L’attaquant international n’a plus la tête à l’Olympique de Marseille, mais à Newcastle, où il s’est rendu vendredi pour tenter de faire progresser son départ. À son retour, Ben Arfa a accordé un long entretien à « L’Équipe » pour dire ce qu’il avait sur le cœur. L’OM lui demande d’honorer son contrat. Le joueur exige de respecter la parole donnée. Jean-Claude Dassier, le président olympien, est clairement visé. Pour l’ancien Lyonnais, tout est clair : il est hors de question de porter à nouveau le maillot marseillais sous les ordres de Didier Deschamps.
« ÊTES-VOUS toujours fermement décidé à quitter Marseille ?
– Je ne retournerai plus à la Commanderie. C’est fini. Je suis prêt à ne pas jouer de la saison. J’ai ma fierté, ma dignité. Je ne suis pas un bouche-trou. Je ne suis pas un paquet de lessive. Je ne suis pas de la merde. C’est parce que mes dirigeants se foutent de ma gueule qu’aujourd’hui je vous annonce que je suis prêt à mettre ma carrière entre parenthèses s’ils n’acceptent pas la proposition de Newcastle, comme c’était prévu au départ. L’OM voulait un prêt. Que l’OM ne revienne pas là-dessus ! Sinon, on ira loin.
– Et l’équipe de France ?
– Tout le monde m’en parle. Le voyage en Norvège (1-2, mercredi) a été une bouffée d’oxygène. J’ai retrouvé beaucoup de gens que j’apprécie, une belle ambiance. J’étais bien. Mais, pour être en paix avec moi-même, j’irai au bout de ma démarche. Quelles qu’en soient les conséquences. Je suis prêt au pire. Je m’organiserai pour travailler physiquement. Il y a des blessures qui durent huit mois. En fin de saison, j’aurai vingt-quatre ans.
– Comment avez-vous pu en arriver à cette extrémité ?
– Tout a été mal géré. Dans une situation comme celle de l’OM, c’est important d’avoir un président fort. Pape Diouf (le président qui l’a fait venir en 2008) m’aurait dit “oui” ou “non” dès le départ. Lui, au moins, il savait gérer ses hommes et ces moments-là. Les vrais hommes, c’est dans ces moments-là qu’on les voit, pas quand tout va bien, après un titre.
– Que s’est-il passé jeudi après-midi, à votre retour de Norvège, dans le bureau de Jean-Claude Dassier, le président de l’OM ?
– J’ai essayé de le mettre face à ses responsabilités. Qu’il assume. Je crois qu’il a du mal à assumer. Le ton est monté. J’ai ressenti quelqu’un de fermé. Il m’a demandé de parler avec le coach. Je lui ai dit que c’était fini. On peut faire des choses avec des objets, mais pas avec des êtres humains. Je suis parti vers le vestiaire prendre mon sac. J’ai croisé le coach. Il m’a dit : “Hatem, on discute ?” Je lui ai répondu : “Écoutez, on a assez parlé. Je n’ai plus envie de discuter maintenant.” Je lui ai fait comprendre que c’était fini.
– Pourquoi ?
– Le coach peut me raconter ce qu’il veut, c’est fini. J’étais indésirable il y a trois semaines, et je suis indispensable maintenant ? Je ne suis pas une marionnette. À lui d’expliquer ce grand écart. Je n’ai plus envie de travailler avec ce coach. C’est un problème de confiance. Je ne sens pas de sincérité chez lui. Le courant ne passe pas. Quand il me parle, j’ai toujours l’impression qu’il a une idée derrière la tête.
– Quand avez-vous vraiment décidé de quitter l’OM ?
– À la base, je ne voulais pas partir. À l’issue du premier stage en Bretagne (le 9 juillet), le coach a souhaité discuter avec moi. La discussion a eu lieu dans son bureau. Il m’a fait clairement comprendre qu’il ne souhaitait pas me conserver. Pour mon départ, il m’a dit que le plus tôt serait le mieux. À partir de ce moment, dans ma tête, tout était clair et net : je partais. Il m’a même conseillé l’Angleterre comme destination. Guy Stéphan, son adjoint, était là. Il m’a dit que par rapport au stage...
– Pendant ce stage, vous vous êtes permis une sortie nocturne, avec quelques coéquipiers...
– Le coach a trouvé que je n’étais pas assez concerné. Un stage, chacun le gère à sa manière. J’ai donné ce qu’il fallait.
– Admettez que vous avez repris l’entraînement un peu pataud...
– Pataud, pataud... je n’étais pas énorme quand même ! J’ai pris deux ou trois kilos, que j’ai perdus. Pendant les vacances, on décompresse, on mange un peu ce que l’on aime. Et puis la préparation sert aussi à se remettre à niveau.
– Que s’est-il passé ensuite ?
– Les dirigeants de l’OM ont mandaté des agents pour me chercher un club. Ils ont ramené Newcastle. Le projet de Newcastle est intéressant. J’ai dit que c’était ma priorité, vu l’intérêt du coach (Chris Hughton). Les dirigeants voulaient tellement se séparer de moi qu’ils étaient d’accord pour me prêter. Clairement, ça voulait dire : « Dégage ! »
– L’OM assure que la proposition de Newcastle est dérisoire...
– Il y a eu des discussions avec l’OM, mais, aujourd’hui, Newcastle s’est engagé à répondre favorablement à ce que l’OM demandait à l’origine. Un prêt avec option d’achat. Tout devait être finalisé mardi à Newcastle. Jean-Claude Dassier l’avait annoncé après le match contre Caen, à la télévision. J’ai dit au revoir à tous les joueurs et au staff après ce match. Je ne devais pas revenir. Mon casier était déjà vide.
– Pendant tout le mois de juillet, vous avez répété que vous étiez “marseillais pour le moment.” Pourquoi ne pas avoir annoncé votre volonté de partir ?
– Je sais très bien qu’une déclaration de ce type peut foutre le bordel. Je ne voulais pas foutre la merde, être pro jusqu’au bout. Je pensais que mon départ pouvait se passer tranquillement.
– C’est raté, et votre réputation de joueur à problèmes ne va pas s’arranger...
– Je suis blindé. Avec le temps, les gens verront que j’avais raison. Je veux être honnête avec moi-même. Dans le vestiaire, mes coéquipiers ont compris. Ils me disent de garder la tête haute. Ils savent l’injustice que je subis. Tous m’encouragent.
– Mais l’opinion en a assez des caprices de joueurs très bien payés...
– Aucun joueur n’a jamais mis un pistolet sur la tête de son président pour toucher autant d’argent. Eux, ils gagnent beaucoup grâce à nous. Ce n’est pas parce que nous sommes payés que nous sommes des esclaves. En gros, ce serait : “On te paye, donc ferme ta gueule” ?
– Votre image va être associée à celle des mutins de Knysna...
– Ça n’a rien à voir. Justement, si j’ai décidé d’agir ainsi, c’est que je me respecte. Je veux que chacun se retrouve face à ses responsabilités. Mes dirigeants ne se respectent pas eux-mêmes. Comment je peux les respecter ?
– Après Gérard Houllier, Paul Le Guen, Alain Perrin et Éric Gerets, vous n’arrivez pas à vous imposer avec Deschamps. Ennuyeux, non ?
– Pourquoi ce serait de ma faute ? J’ai des défauts. J’ai des progrès à accomplir dans beaucoup de domaines. J’en suis conscient. Pour le moment, j’ai sans cesse changé de coach. Ce manque de stabilité, je l’ai subi, pas voulu. En revanche, c’est vrai que j’ai l’impression de ne pas avancer. Je sais que je dois être plus régulier. J’ai besoin de confiance pour le devenir.
– Vous l’aurez à Newcastle ?
– Si j’avais un petit doute, j’aurais zappé Newcastle d’entrée. Je sais ce que le coach pense de moi. Il a compris qui j’étais, quel joueur j’étais. C’est pour ça aussi que je veux rejoindre Newcastle.
– À l’OM, vous ne regretterez personne ?
– J’aime beaucoup José Anigo (le directeur sportif). Il a des valeurs. Dans les bons ou les mauvais moments, il n’a jamais changé. C’est important.
– Et Vincent Labrune, le président du conseil de surveillance, qui vous apprécie tout particulièrement ?
– Ne me parlez pas de lui.
– Pourquoi ?
– Désormais, je connais très bien le fond de sa pensée. Je ne préfère pas parler de lui. Plus tard peut-être. »