Loi travail : 2 000 euros de moins pour un routier, l'argument périmé de Martinez
Par Cédric Mathiot — 30 mai 2016 à 16:53
Philippe Martinez,secrétaire général de la CGT, sur la place des Invalides le 3 mai 2016 à Paris, lors d'un rassemblement intersyndical contre le projet de loi El Khomri. Photo Martin Colombet pour Libération.
Le secrétaire général de la CGT dénonce l'effet de la loi El Khomri sur les chauffeurs de poids lourds… qui ne seront pas concernés par la mesure.
Loi travail : 2 000 euros de moins pour un routier, l'argument périmé de Martinez
INTOX. Philippe Martinez expliquait, dimanche sur BFM TV, les raisons de continuer à combattre la loi travail, évoquant notamment la minoration de la rémunération des heures supplémentaires rendue possible par le texte. «Une heure supplémentaire qui serait moins payée, ça pèse dans un ménage. Vous savez que pour les routiers, c'est 2 000 euros de moins par an, une minoration des heures supplémentaires. Ça compte 2 000 euros pour un ménage qui n'a pas beaucoup d'argent.»
DÉSINTOX. C'est là un des points centraux de la lutte contre la loi travail : son article 2, actant la fin de la primauté de l’accord de branche sur l’accord d’entreprise, pourrait (notamment) permettre à une entreprise de minorer la rémunération des heures supplémentaires (la faisant passer de 25% à 10%) par la grâce d'un seul accord entre l’employeur et la majorité des syndicats représentatifs, (voire par référendum des salariés si les syndicats favorables à une telle mesure représentent 30% des voix aux dernières élections).
Mais l'illustration choisie par Philippe Martinez – les conséquences pour un chauffeur routier – est contestable pour deux raisons. La première est que la somme apparaît un poil gonflée. FO avait fait ses calculs et évoquait une perte comprise entre 312 euros pour un chauffeur effectuant 169 heures mensuelles et 2 250 euros pour un chauffeur effectuant 220 heures mensuelles. Jerôme Vérité, secrétaire général de la CGT des transports, ayant, lui, chiffré le manque à gagner annuel à 1 300 euros pour un chauffeur faisant 200 heures. Généraliser la somme de 2 000 euros à l'ensemble des salariés du secteur est un peu caricatural.
Mais, surtout, ces estimations ne sont plus d'actualité car les routiers ont été exclus du champ de la future loi… Après une semaine de blocages, les syndicats routiers ont obtenu il y a près de dix jours, le 20 mai, la garantie du gouvernement qu'ils ne seraient pas concernés par l'application de la mesure. Alain Vidalies, secrétaire d’Etat aux Transports, a pris la plume pour les assurer que le régime des heures sup des routiers (qui prévoit actuellement la majoration des heures supplémentaires à 25%, voire 50% au-delà d'un certain volume) ne serait pas modifié.
Deux jours plus tard, FO et CGT se félicitaient d'ailleurs dans un communiqué commun que le gouvernement ait «lâché sur les heures supplémentaires du TRM [transport routier de marchandise, ndlr]». Il faudrait le dire à Philippe Martinez.
Cédric Mathiot
http://www.liberation.fr/desintox/2016/ ... ez_1456137
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