jo_l a écrit:
Pareil. Pas désintéressé mais chaque fois qu'un des ces cons l'ouvre, j'ai envie de l'insulter tellement ils se foutent de nous toute l'année. Bien entendu y a toujours du monde pour t'expliquer que c'est une réflexion un peu courte mais plus ça va et plus je pense le contraire.
Ahhhh non, je comprends très bien ton sentiment, mais je vais y mettre une nuance en te racontant une anecdote personnelle.
Au cours d'un reportage, j'ai eu l'occasion de rencontrer Jean-Jack Queyranne pendant une visite officielle dans l'Océan Indien lorsqu'il était secrétaire d'État à la francophonie (ça devait être en 1999 ou 2000). Un type très brillant, sobre, élégant et agréable, voire réellement chaleureux hors protocole avec tout le monde, ce qui est rarement le cas de ce genre de notables (on a bien discuté un demi-heure en sa compagnie et c'était réellement sympathique).
Entre deux conférences avec des acteurs politiques et économiques de la région, Il a fait un discours à des ados de 14 à 17 ans venus d'Europe (Écosse, Allemagne, Irlande, Pologne, Portugal, Italie, Croatie), et d'Afrique (Burkina Fasso, Égypte, Cameroun, Comores, Réunion, Mayotte) dans le cadre d'un programme de partage autour de la francophonie qui durait une quinzaine de jours. Ces p'tits jeunes (une quarantaine), étaient tous aussi remarquables qu'attachants (intelligence, culture, savoir-vivre, enthousiasme), et j'en garde un excellent souvenir parce que ça changeait franchement du taff au quotidien.
Or, dès que le ministre s'est installé devant ce public frais et inhabituel, le type simple et direct a laissé place à un personnage étrange, toujours aussi courtois et agréable, mais complètement méconnaissable, lisse, formaté, et insipide… En effet, les adolescent lui posaient des questions particulièrement pertinentes sur des sujets divers comme la médecine, l'économie, la science, la santé, la misère, l'écologie, les rapports géo-politiques et, je ne sais pour quelle raison, au lieu de répondre normalement, comme l'aurait un prof face à des étudiants, ou tout simplement un élu face à d'apprentis citoyens (ou de futurs électeurs au choix…), et ce alors même qu'il n'y avait absolument aucune chausse-trappe, il multipliait les phrases vides de sens, les raisonnements creux, les effets de rhétorique qui ne mènent nulle part, bref il pratiquait la langue de bois typique du politique —ou du footballeur— lambda de façon très absconse et machinale, comme par réflexe conditionné. Face à des politiques, des potentats locaux ou des hauts-fonctinnnaires, je l'aurais compris, mais face à des ados vifs et curieux qui découvrent la vie publique, c'était complètement ahurissant et ça m'a marqué.
Très franchement, j'ai eu l'impression (et tous les journalistes présents également), que le costume l'emportait sur la fonction et que c'était plus fort que lui, qu'il avait était formaté comme ça et que quelque chose l'empêchait de fonctionner autrement, même s'il l'avait voulu, ce qui est encore pire. Ces gamins auraient pu être les siens que ça n'aurait rien changé, à mon sens…
Depuis, chaque fois que j'entends un politique s'exprimer, j'ai l'impression de revivre ce moment (bon sauf que Queyranne était intellectuellement très au-dessus de la plupart des mecs qui s'expriment dans les médias aujourd'hui).
Bref, tout ça pour dire que nos systèmes institutionnels, politiques et médiatiques sont tellement boursoufflés de leur suffisance, de leur omnipotence et de leurs propres limites qu'ils tournent à vide, quelles que soient les situations et les acteurs qui l'animent (tu sais le trip: « insert coin/game over »)… Ils ne nous prennent pas forcément pour des cons, mais le cas échéant ils ne s'en rendent même plus compte alors…
Ce-jour là, j'ai vraiment senti un gouffre sous mes pieds et mon regard a changé sur la chose publique.