« Je viens chercher l’enveloppe »
mardi 23 juillet 2013 10:10 Taille de police Réduire la taille de la police Augmenter la taille de police Imprimer E-mail
L’appétence du grand banditisme corse pour Aix-en-Provence n’est plus à démontrer. Douze membres présumés d’une équipe rackettant des boîtes de nuit aixoises seront jugés en correctionnelle à Marseille du 7 au 22 novembre 2013 pour extorsion en bande organisée, association de malfaiteurs.
C’est l’issue du dossier « Calisson », petit nom donné à l’enquête ouverte après l’assassinat le 19 novembre 2009 de Jacques Buttafoghi, homme lige du clan insulaire des bergers braqueurs de Venzolasca, présenté comme le principal « percepteur » de fonds des établissements de nuit de la cité du Roi René. Son nom a été largement évoqué avec celui Jean-François Federici au procès de la reprise en main musclée du cercle de jeux Concorde.
L’ordonnance de renvoi du juge d’instruction Christophe Perruaux de la Juridiction interrégionale spécialisée de Marseille (JIRS) admet n’avoir « pas permis de démontrer qu’Ange-Toussaint Federici a continué à percevoir les fruits du système qu’il a mis en place [Nldr. en 2005] et que sa réputation a fait perdurer. » Ce dernier, arrêté en janvier 2007, a été condamné à 30 ans de réclusion dont 20 de sûreté pour le triple assassinat du bar des Marronniers.
« C’était comme ça que ça
marchait »
Parmi les hommes de mains et collecteurs d’enveloppes, un agent de joueur de l’OM, un employé municipal du réseau d’assainissement d’Aix, un maître d’hôtel du conseil général, etc. Les sommes en espèces saisies lors du coup de filet du 7 février 2012 donnent mesure des intérêts en jeu et des convoitises suscitées : 170 000 euros, sans compter des armes, des Porsche et des montres de luxe.
Certaines victimes se sont confiées. Un gérant de boite a expliqué qu’au cours de toutes ces années d’exploitation, il avait toujours été racketté, d’abord par un Salonnais qui les protégeait du clan Zampa puis à partir de 1986 par Francis Vanverberghe dit le Belge ensuite par ses héritiers, Jean-Claude Zammudio et Jean-Marc Verdu qui avait été rapidement assassinés, et enfin à partir de 2006 par des bandits corses.
« Je n’avais pas le choix, un accord avait été passé avec l’équipe de Francis [Ndlr. « le Belge »], je ne me suis même pas posé la question de pas payer mais j’avais conscience de verser un paiement occulte à des gens du "milieu". C’était comme ça que ça marchait, pour faire tourner ce genre d’établissement, il fallait en passer par là. (...) J’avais conscience que si je ne payais pas ces sommes, je ne serais plus là pour en parler », a expliqué un autre tenancier astreint à remettre « aux gens du parking » une enveloppe de 3 000 euros mensuel d’impôt mafieux. « C’est un étau, comme une spirale, ils arrivent à vous étouffer », résumait un autre.
« Sans vous décourager, la nature ayant horreur du vide... »
Avec une forme de détachement, de sérénité fataliste sinon de cynisme décomplexé, un gérant chevronné tenait ses propos chez le juge d’instruction : « Ce qui peut paraître à vos yeux et aux yeux de la justice comme du "racket" nous permet de d’exercer en toute sérénité car les destinataires des fonds sont des gens respectés et n’usent d’aucune menace à mon encontre. Le fait que je donne en fonction de mon budget et quand je le peux démontre que je n’ai aucune crainte vis-à-vis de ces gens-là. De plus sans vous décourager, la nature ayant horreur du vide, dès qu’une équipe est condamnée, immédiatement une autre se met en place et personne ne sait si la prochaine n’usera pas de méthodes plus radicales. »
Ce qu’on retient aussi de cette enquête, c’est l’indéniable facilité des structures criminelles à prospérer. Le magistrat instructeur lui-même constate « l’absence notable de contrôles efficaces de ces établissements par les services de l’Etat ». Mis en examen pour violation du secret professionnel, un policier du commissariat d’Aix-en-Provence suspecté d’avoir renseigné les exploitants de discothèques sur l’imminence de contrôles, a bénéficié d’un non-lieu. Il avait expliqué avoir averti son ami afin de le dissuader de travailler au black en discothèque...
David COQUILLE
_________________ "Tudor n’a aucune raison de l’aligner, ça peut être que mauvais pour lui si Payet est bon" "Anigo: tactiquement il est au dessus de Tudor"
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