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ENQUETE RMC SPORT - Irrité par le niveau de ses joueurs et vexé par les propos de Vincent Labrune, Michel, entraîneur de l’OM, se sent de plus en plus isolé dans le club olympien. RMC Sport vous dévoile les dessous de cette fracture entre des joueurs difficiles à apprivoiser et un entraîneur qui ne devrait pas prolonger son aventure à Marseille au-delà de l’été. Révélations.
Une fois n’est pas coutume, Michel a haussé le ton ce mardi matin à l’entraînement et sa voix a résonné fort sur les hauteurs de la Commanderie. « Je ne peux pas passer mon temps à vous réexpliquer chaque exercice, s’est emporté l’entraîneur de l’OM. Vous n’êtes pas des enfants, on n’est pas dans le jardin, là, c’est clair ? Si vous n’arrivez pas à effacer des plots à l’entrainement, comment allez-vous le faire en match face à des adversaires morts de faim ? » De mémoire de joueur olympien, la scène est inhabituelle : « Cette saison, rarement lui et ses adjoints espagnols ont autant crié et sont si souvent restés au milieu des exercices pour nous mettre sous pression pendant une séance. » Pas drôle de s’entraîner juste après que le coach eut lu patiemment, mais les nerfs à vif, l’interview de son Président dans La Provence, dans laquelle Vincent Labrune ne manque pas de mettre Michel devant ses responsabilités.
Michel est remonté et a donc décidé de ne plus prendre de gants avec ses joueurs. Le changement de cap a en fait eu lieu après le match contre Lorient (1-1) samedi. Jusque-là, le groupe de l’OM ne ressemblait qu’à un vestiaire sans orgueil, ni passion. D’un côté, un coach, agacé par certains comportements jugés immatures et frustré par le niveau de son effectif, mais qui n’osait pas s’en prendre frontalement à ses joueurs de peur de perdre la main. De l’autre côté, des garçons pour la plupart incapables de se révolter, ni d’assumer leur statut de joueur de haut niveau dans un club comme l’OM.
Une perte de confiance entre Michel et ses joueurs
« Il n’y a pas de clash, pas d’affrontement, mais il y a un malaise latent, une perte de confiance mutuelle qui s’est installée entre les joueurs et Michel », confie un cadre du vestiaire de l’OM à RMC Sport. « En façade, il y a du respect, ils font mine de l’écouter, mais on a senti très tôt dans la saison que personne, dans ce vestiaire, n’était prêt à mourir pour le coach. Michel n’a pas su passionner ou accrocher le groupe. Sa méthode est un peu fade. »
Le constat est sévère. Et peut surtout sembler culotté, venant d’un vestiaire qui se plaignait, la saison passée, du style un peu fou et des entrainements atypiques du système Bielsa… et qui, aujourd’hui, regrette des méthodes jugées trop approximatives. Dans le viseur des joueurs : des exercices où le travail défensif serait privilégié au détriment de l’animation offensive, un manque de vidéo (!) pour apprivoiser les forces et faiblesses de l’adversaire (la saison passée, le mot « charla » - briefing vidéo - était pourtant devenu la hantise du groupe quand il apparaissait sur le programme de Bielsa, ndlr) et des choix contestables dans les compositions d’équipes.
Des joueurs comme Rolando, Rekik, Sarr ou Romao, notamment, avouent en privé ne pas trop comprendre pourquoi, un jour, Michel compte sur eux, avant de se retrouver remplaçants le lendemain. Le fait que Michel considère que l’efficacité ne se travaille pas a aussi fait tiquer beaucoup de joueurs, qui en viendraient presque à regretter les entrainements sans ballon de la saison passée, où Bielsa passait de longues minutes à décortiquer, avec ses attaquants, la position idéale d’un buteur pour mieux tromper le gardien.
A en écouter les joueurs, Michel donnerait donc le sentiment d’avoir perdu la main. Certains répètent même à leur entourage que le vestiaire de l’OM se rapprocherait de plus en plus de l’autogestion, « avec des cadres comme Lassana Diarra ou Steve Mandanda, qui sont sûrement plus écoutés que le coach dans le groupe olympien ».
Une communication qui cristallise les tensions
La communication, justement. Secteur clé pour comprendre comment les liens entre Michel et ses joueurs se sont distendus au fil du temps. Le coach de l’OM avait pourtant rapidement vu que ses joueurs pouvaient se vexer à la moindre petite contrariété. Sa sortie, fin septembre, sur « les joueurs de Ligue 1 qui choisissent leurs matches », avait jeté un premier coup de froid entre Michel et son vestiaire. Tout au long de la saison, le Madrilène s’est alors retenu de critiquer frontalement ses joueurs… tout en distillant ici et là des petits messages pour remettre en cause l’implication et le niveau technique de son effectif. Michel a donc parfois eu le nez qui s’allongeait à force de vouloir cacher certaines tensions et certains désaccords.
Fin janvier, après OM-Lille, Michel affirme devant les micros et caméras que « Manquillo a eu des vertiges et un mal de tête » qui l’auraient contraint à le sortir. Au sein du club, on affirme que Manquillo avait en fait les muscles des cuisses en feu, mais que Michel n’avait pas voulu l’écouter la veille du match, quand le défenseur espagnol lui demandait d’alléger la séance pour éviter une surcharge musculaire. Une version que nie farouchement le coach espagnol. Samedi dernier - alors que Michel avait promis, la veille, qu’il n’y avait aucun malaise entre lui et les joueurs - l’entraineur espagnol étale en public sa rancœur face au manque d’hygiène et de sérieux de Benjamin Mendy... qui, selon nos informations, était en plus arrivé en retard à l’entrainement pendant la semaine. Entre le stade et l’aéroport de Lorient, l’ambiance sera glaciale dans le bus des joueurs, qui prennent connaissance au fur et à mesure des déclarations du coach.
Ce n’est pas une nouveauté. Plusieurs joueurs s’agacent en privé de la communication de l’Espagnol, trop centrée – selon eux - sur sa personnalité. « Il flingue les joueurs et donne l’impression de se protéger pour garder son image intacte en Espagne », confie un membre du vestiaire. L’exemple le plus frappant aura donc été la conférence de presse de vendredi, qui aura mis de l’huile sur le feu entre Michel et certains de ses joueurs. Au détour d’une question sur Jorge Sampaoli, Michel ironise et lâche une petite phrase, qui ne passera pas inaperçu dans le vestiaire : « Il est intéressé ? Par cet OM ? Cette équipe-là ? » « Michel avait déjà l’image d’un entraineur incapable de se remettre en cause, balance un joueur. Mais là, dire ça la veille de Lorient, c’est abusé. Il est fou. Il nous a tués. »
Michel se sent lâché par Labrune
Le pire, c’est que Michel a dit ce qu’il pensait. Voilà d’ailleurs le cœur du problème. Michel considère qu’il a, à sa disposition, un effectif moyen et incapable de surmonter les turbulences de cette saison, là où son Président voit des joueurs largement capables d’accrocher l’Europe. Michel ne se sent pas soutenu par Vincent Labrune, et aimerait que le Président de l’OM mette plus souvent les joueurs face à leurs responsabilités au lieu de se vanter d’avoir à l’OM des joueurs courtisés par les plus grands clubs d’Europe et avec une grande valeur marchande.
Sauf que les deux hommes ne sont plus sur la même longueur d’ondes depuis bien longtemps. Et là encore, la conférence de presse avant Lorient n’aura fait qu’envenimer les choses. Labrune, qui s’est fait traduire avec précision les propos de Michel, n’a pas du tout apprécié que son entraineur explique sans sourciller que le recrutement aurait été bien meilleur s’il avait pu donner son avis et choisir plus de joueurs. « On ne lui demande pas de nous refaire l’historique du recrutement et de la saison, on lui demande d’entraîner notre équipe avec des joueurs de grande qualité », s’emporte un proche du Président de l’OM. Labrune, qui se dit en privé « fatigué par les excuses de son coach », n’a donc pas pris de gants, à son tour, pour charger son entraineur, ce mardi, dans La Provence. Logiquement, les propos de Vincent Labrune ont donc été plutôt mal vécus par Michel, qui s’exprimera mercredi en conférence de presse.
En attendant, un proche de l’Espagnol, joint par RMC Sport, confie pourtant que « le coach garde le moral. Il prend des mines depuis six mois mais sait avaler les couleuvres. La différence entre lui et la plupart des joueurs, c’est que Michel est un vrai compétiteur. Ils feraient bien de s’en inspirer. Michel et son staff encaissent les coups mais dès que c’est avalé, ils ont envie d’aller au combat pour montrer ce qu’ils valent. C’est son état d’esprit aujourd’hui. »
Michel et son staff se seraient d’ailleurs jurés de ne jamais regarder vers le bas du classement et de ne regarder que là-haut, vers l’Europe. Le rêve ultime de Michel : gagner la Coupe de France et accrocher sur le poteau une place européenne. Pour faire taire ses détracteurs. Avant de quitter Marseille la tête haute ? Très probable. Michel, qui aurait aimé prouver sa valeur sur une année entière, ne veut pas l’avouer, par fierté. Mais il semble aujourd’hui s’être fait à l’idée qu’il quittera Marseille à la fin du mois de mai.