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JOSÉ ANIGO : « LES CHOSES SONT SIMPLES »
Pour en revenir à la saison des pros, qu’est-ce qui a manqué pour conserver le titre qui aurait assuré la saison parfaite ?
Il a manqué de gagner plus de points à la maison. On en a beaucoup trop perdu. Cette année, l’aspect défensif a été trop défaillant par rapport à l’an dernier. On avait été très bon défensivement et on avait couplé la partie offensive avec la partie défensive, ce qui nous avait permis d’être champions. Cette année on a mis quasiment autant de buts que l’année précédente, contrairement à ce que l’on aurait pu penser en début de saison. Quand on a vu partir Mamadou Niang, Koné, Ben Arfa, on a dit qu’on s’était délesté de joueurs pouvant marquer beaucoup de buts. Sauf que l’an dernier « Hatem » en a mis trois ou quatre, Koné cinq ou six et que ça, on l’a remplacé. Même si Gignac n’en a mis que 6, Ayew en a mis 11 ce qui est énorme et la cerise sur le gâteau c’est Rémy. Tout le monde a crié au loup quand on a laissé partir Niang. Il avait 31 ans et on l’a remplacé par un garçon de 23 ans qui a mis autant de but que lui l’an dernier. Je me souviens que la première saison de Niang à l’OM, il en avait mis 10. Loïc première saison 16 buts en ayant ce problème cardiaque en début de saison, en ayant trois matches de suspension, on a tout lieu d’être satisfait. C’est derrière qu’on a pêché. Et certainement à cause de ça qu’on a manqué notre titre…
Pourtant la défense n’a pas bougé, elle s’est même renforcée avec l’arrivée d’Azpi.
Quand on prend des buts on incrimine toujours les défenseurs mais peut-être que notre équipe cette année a moins bien défendu. Ce qui est certain, c’est qu’on a pris plus de buts et qu’on a lâché plus de points. A l’extérieur notre parcours est bon, on fini dans les trois premiers. C’est à la maison qu’on a lâché une vingtaine de points.
Les points perdus après ce mercato tardif, font partis de vos regrets ?
Oui c’est vrai. Mais il n’y a pas de hasard. Quand on a été champions, on est resté sur notre nuage. Après on a eu des choix à faire : prendre des jeunes ou pas, certains joueurs ou pas… ça a freiné le recrutement. On a accéléré sur la fin, mais on aurait dû y réfléchir avant. Je pense qu’aujourd’hui, si on doit se reprocher quelque chose, il faut le faire mutuellement et surtout globalement. On a mis trop de temps dans notre réflexion.
Ça nous amène à cette fameuse feuille de route que cherche Didier Deschamps...
Ça concerne le sportif dans son ensemble. C’est quoi une feuille de route ? On fixe des objectifs et après on regarde les moyens : qui va rester ? Qui va partir ? Là, il faut vite tordre le coup à tout : les joueurs sont sous contrat. Je vais être plus simple : il y a ceux qui peuvent partir et ceux que nous ne voulons pas laisser partir. Ceux-là, quoi qu’il en soit, ne partiront pas… Sauf si un club arrive et met beaucoup, beaucoup, beaucoup d’argent. Les trois beaucoup, il ne faut pas les oublier. Et si c’est le cas, on y réfléchira. Mais il ne faut pas se tromper, on n’est pas dans un supermarché, où on prend ses courses on s’en va.
Comment vous fonctionnez ?
Je ne suis qu’un outil de travail pour Didier. Quand il a fait un choix de joueur, je suis là pour aller chercher le joueur. Je n’impose rien. Tous les joueurs que Didier a dans son effectif, il a accepté de les avoir. Aujourd’hui, c’est la même chose. S'il veut tel joueur, on m’explique que financièrement c’est faisable, et c’est à moi de le faire. Après, si on le manque parce qu’on n’a pas été bon dans les négos, je veux bien en prendre la responsabilité. Mais il ne faut pas se tromper de cible.
On a le sentiment que les choses roulent. Mais de l’extérieur, ça paraît moins évident…
C’est une fausse impression. Les choses sont simples. Il y a deux jours, Didier m’a dit je veux un tel et un tel... je ne vous dirai pas les noms. Depuis, je fais tout pour les avoir. Je ne sais pas l’image qui transpire à l’extérieur, mais ce n’est pas du tout comme ça en interne. Est-ce que c’est nous qui communiquons mal ? A-t-on a vraiment besoin d’expliquer ce que l’on fait ?
Ça calmerait pourtant beaucoup d’ardeurs.
Mais ça fait parler tout le temps. Quand ça va bien, il faut qu’il y ait un petit feuilleton pour que ça alimente. On cherche toujours à opposer les gens et c’est pas forcément vous la presse qui le faite. Il y a autour des uns et des autres, ce que j’appelle des « pompiers pyromanes » qui essaient de mettre la zizanie. Moi j’essaie d’être très hermétique à tout ça. A partir du moment où Didier a fait un choix, mon boulot c’est de faire en sorte que ce qu’il a choisi soit réalisable.
De quels moyens disposez-vous aujourd’hui ?
Aujourd’hui, la question c’est qu’est-ce qu’on veut faire ? Qu’est-ce qu’on veut jouer ? Qu’est-ce qu’on veut gagner ? Le titre… oui, bien sûr. Mais ça a un coût. La priorité, c’est de ne pas perdre les joueurs dont on ne veut pas qu’ils partent. Ceux qui partent, c’est parce que le président, l’actionnaire, Didier et moi-même, aurons accepté de les laisser partir. Après les moyens se feront en fonction des départs et de nos rentrées d’argent...
Comme avec Lucho qui a annoncé...
Oui il a annoncé son envie de partir et le président a fixé une somme (13 Millions, ndlr).
Heinze, lui est parti, en pointant du doigt les ambitions du club...
C’est toujours facile de faire ça. Il n’avait qu’à rester. C’est un bon professionnel, c’est un joueur de qualité avec son caractère. Qu’il reste, en tout cas sportivement, ce n’était pas pénalisant. Après c’est son choix et je respecte le choix des gens. Mais dire qu’on manque d’ambitions, ce n’est pas vrai. On a tous envie de gagner quelque chose.
Didier Deschamps laisse aussi planer le doute...
J’essaie de prendre du recul avec ça. Je me dis que Didier a un contrat. Certes il y a une clause dedans, mais il sait qu’il est dans un bon club. Contrairement à ce qui est raconté et décortiqué, il est maître de son équipe, de son travail. Il a son staff et personne ne met le nez dans son job. Il a une forme de liberté qui est intéressante. Il est dans un club qui joue la Ligue des champions, il a gagné quatre titres en deux ans. Après, on peut voir ailleurs, mais c’est un choix et je n’ai pas à le commenter.
Mais des joueurs aussi semblent inquiets.
Vous savez, les joueurs expliquent beaucoup de choses mais ils font toujours le contraire. Aujourd’hui, si pour x raisons, l’entraîneur s’en va, derrière ils feront comme ils ont fait, quand Erik Gerets est parti, quand Albert Emon est parti… Les entraîneurs changent et les joueurs continuent de bosser. C’est facile de raconter ça, mais ils oublient qu’ils ont un contrat, qu’ils sont payés tous les mois par le club et que c’est leur employeur qui décide de quand et comment ils partent.
Pour finir, comment vous abordez cette période du mercato ?
Le mois de juin, c’est le mois le plus chargé, celui où l’on compte les moments où l’on est tranquille. Mais je suis serein. J’ai acquis de l’expérience avec les années et tout ce remue-ménage, je ne le vis pas comme ça. Je me mets dans ma bulle, et je fais mon travail. Je sais que dans un mois, quand tout sera réglé, que les joueurs seront partis, d’autres auront prolongé, et que d’autres seront arrivés, alors on parlera du championnat qui commence. Là, comme il n’y a plus de matches, il faut remplir les feuilles, remplir des pages…Mais en interne je peux vous garantir qu’il n’y a rien. Il y a un travail qui est bien fait, que l’on a commencé depuis un an, des noms ciblés et des shorts listes que Didier voudra ou pas, et c’est lui qui décidera.
Interview réalisée par Christophe CASANOVA