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Ses interventions dans les médias sont rares. Sollicité par La Provence la semaine passée, avant le voyage à Ajaccio, Vincent Labrune a souhaité attendre l’issue du déplacement à Lorient pour s’exprimer. Entre-temps, les résultats de l’OM ne se sont pas améliorés. Hier après-midi, par téléphone (il est actuellement à Paris où il participera aujourd’hui au conseil d’administration de la LFP), le président olympien a honoré son engagement. "VLB" s’est expliqué sur les difficultés de Michel, le spectacle soporifique au Vélodrome, l’absence totale de jeu, les critiques et l’avenir. Entretien.
Vous sembliez dépité après le nouveau match nul concédé à Lorient (1-1), samedi. Qu’avez-vous pensé de la prestation de l’OM ?
Vincent Labrune : Ce n’était pas à la hauteur de l’équipe qui était présente sur le terrain, sauf Mandanda. J’ai été admiratif, et le mot est faible, de sa nouvelle prestation stratosphérique. C’est l’un des meilleurs gardiens du monde aujourd’hui. Mais je parle aussi de son rôle de leader. Il démontre par ses actes, sur et en dehors du terrain, son sens des responsabilités et son amour du maillot marseillais. Ce serait bien que tout le monde en prenne de la graine. Il ne suffit pas d’enfiler ce maillot pour en être digne. Sur le papier, aujourd’hui, on a une équipe capable de jouer les premiers rôles. Sur le terrain, on en est loin...
Pour répondre à votre question, je suis plus que dépité.
En fait, j’étais en colère. La seule circonstance atténuante que je trouve sur le match de Lorient, c’est que c’était le 4ematch d’une série abracadabrantesque de quatre rencontres en neuf jours (Granville-OM à Caen, le 3 mars, OM-Toulouse le 6, Ajaccio-OM le 9 et donc Lorient-OM le 12, ndlr). Mais une fois qu’on a dit ça, on a l’effectif et la qualité pour espérer mieux que cette litanie de matches nuls qui nous désespèrent et sont quasiment rédhibitoires dans un championnat aussi serré.
Pour continuer à croire en une remontée, il fallait battre Toulouse, le Gazélec, et les Merlus. L’OM n’a pris que trois points. Gardez-vous tout de même l’espoir de finir dans les cinq premiers, étant donné que le podium s’est considérablement éloigné ?
V.L. : Déjà, je crois avoir été suffisamment clair à ce sujet après les matches de Bilbao et Granville. J’avais dit, pour rappel, que si nous jouions comme contre les amateurs normands (l’OM s’était difficilement imposé 1-0 au stade Michel-D’Ornano, ndlr), nous n’avions aucune chance d’atteindre nos objectifs mais qu’en revanche, si nous mettions tous les ingrédients aperçus contre Bilbao, mais aussi face à Lyon et Paris, nous pouvions recoller au peloton de tête. En fait, dans le football, c’est simple : l’engagement, la qualité technique et une bonne organisation, ce ne sont pas des paramètres que l’on peut utiliser seulement quatre ou cinq fois dans une saison...
Dans ce championnat qui est si particulier, je garde bien sûr l’espoir de finir dans le top 5, qui est notre objectif prioritaire de la saison. Quand on fait quinze matches nuls qui, par définition, ne tiennent à rien, on voit bien que cet objectif est tout sauf utopique. Oui, j’y crois. Oui, nous avons largement le potentiel. Mais, oui, maintenant, il faut gagner les matches et afficher des qualités qu’on a trop rarement vues cette saison.
Après la rencontre au Moustoir, Michel a dénoncé l’attitude des joueurs et, notamment, celle de Benjamin Mendy. Comprenez-vous son exaspération ?
V.L. : Je le comprends et je serais tenté de dire que je la partage puisque d’une façon générale, j’attends de nos joueurs la plus grande rigueur et le plus grand professionnalisme. Ils doivent être concentrés à 200% sur leurs objectifs, ils le doivent à leur club et à leur public. Et, en plus, ils en sont conscients. Contrairement à ce que j’ai pu lire ici et là, aucun écart n’est toléré à l’Olympique de Marseille. Benjamin a un potentiel formidable et rare. C’est aussi un garçon extrêmement attachant. Maintenant, c’est à lui de voir quelle tournure il souhaite donner à sa carrière.
C'est un joueur auquel vous croyez...
V.L. : Oui, énormément. Et d’ailleurs, je ne suis pas le seul puisqu’il y a de très nombreux clubs européens qui viennent le superviser régulièrement.
Il y a encore quatre ou cinq ans, nous avions le 15e budget européen, aujourd’hui le 40e
Basile Boli disait récemment que voir l’OM si bas dans le classement lui faisait mal au cœur. Que ressentez-vous en tant que président ?
V.L. : Basile est très proche de moi et de l’équipe cette saison. Nous souffrons ensemble. Moi d’ailleurs plus que lui, car je suis en première ligne et suis la cible de l’essentiel des critiques. Je suis déçu, frustré, car j’attends évidemment plus de cette équipe, mais il ne faut surtout pas oublier que l’OM n’évolue absolument plus dans le même contexte qu’à la grande époque. Il y a encore quatre ou cinq ans, nous avions le 15e budget européen, aujourd’hui le 40e. Il y a des réalités économiques et concurrentielles dont on ne peut pas faire abstraction. Nous n’avons plus d’argent et dans ce contexte, il est évident que la compétitivité de l’équipe s’en ressent. Comme on peut le voir d’ailleurs chez l’ensemble de nos concurrents. C’est pour cette raison que le championnat n’a jamais été aussi serré. Malgré cela, je crois avoir donné les moyens de faire beaucoup mieux cette saison. Franchement, combien d’équipes ont un effectif supérieur au nôtre ? Sûrement pas neuf ou dix, comme le reflète le classement aujourd’hui. Oui, j’ai mal au cœur, comme mon ami Basile et tous ceux qui aiment l’OM.
Comment expliquez-vous l’enchaînement de prestations soporifiques de votre équipe ?
V.L. : Je vous l’ai dit, les bonnes prestations passent par un engagement individuel et collectif irréprochables, une justesse technique à la hauteur des qualités de nos joueurs et une organisation tactique qui tient la route de la première à la dernière minute. Nous sommes trop irréguliers dans tous ces domaines pour offrir un autre visage. Le constat est assez simple à faire, mais je suis le président de l’OM, pas un joueur, ni l’entraîneur. Ce sont à eux de faire le nécessaire pour trouver les solutions et nous offrir une fin de saison plus conforme à notre vrai niveau.
Quand Michel est arrivé, vous aviez insisté sur le fait que le "football est un spectacle", et qu’il fallait "avant tout proposer du jeu, des buts, des envolées collectives". Force est de constater qu’aujourd’hui, l’OM fait tout l’inverse...
V.L. : Ce que j’ai dit restera toujours ma philosophie du football. Un match doit être un bon spectacle avant tout, ça c’est clair. Mais encore faut-il tout faire sur le terrain pour tenir cette promesse et être à la hauteur de cette ambition. Nous n’y arrivons pas pour l’instant cette saison. Bien sûr, cela me chagrine. Nous avons le devoir de faire beaucoup mieux. Nos supporters sont en droit d’attendre beaucoup plus de cette équipe par rapport à son potentiel.
Justement, pour leur offrir un peu de bonheur, il ne reste guère que la coupe de France... Vos joueurs ont-ils le devoir de la gagner pour se racheter ?
V.L. : Je vais être très clair à ce sujet : j’attends de nos joueurs qu’ils répondent à nos attentes sur les neuf ou dix derniers matches qu’il reste à jouer. La coupe de France n’est certainement pas le seul objectif de cette fin de saison pour la bonne et simple raison qu’on doit impérativement revenir vers le haut du classement en championnat.
Ce n’est pas seulement un objectif sportif. Il en va de la santé économique du club. Les joueurs et le staff doivent en avoir conscience. Je rajouterai ensuite que notre nombre de points (39) et l’écart sur les équipes qui nous suivent (6 unités d’avance sur le GFC Ajaccio, premier relégable) ne nous permettent certainement pas d’envisager une fin de saison en roue libre. Quant à la coupe de France, avant d’imaginer la gagner, il va déjà falloir se mettre dans les meilleures dispositions pour pouvoir se qualifier à Sochaux (en demi-finale, le 20 avril). Bien sûr, si on passe cet obstacle, on pourra envisager une fin de saison différente, voire même en apothéose. Mais aujourd’hui, il ne faut pas se tromper de combat à court terme.
Avant, il y a encore plusieurs matches de L1, et pour l’instant, le maintien n’est pas assuré. Qu’attendez-vous des Olympiens ce vendredi contre Rennes ?
V.L. : Nous avons effectivement six points d’avance sur le premier relégable, mais nous avons aussi six points de retard sur les places européennes. Dans les deux hypothèses, je n’attends rien d’autre que la victoire. Quand vous alignez sur le terrain des éléments comme Mandanda, Diarra, qui est l’un des meilleurs joueurs du championnat, Nkoulou, Nkoudou, Batshuayi, Mendy ou Manquillo qui sont courtisés par les plus grosses écuries européennes, il ne peut pas en être autrement. Le talent, nous l’avons. Il faut seulement que l’on retrouve la confiance pour que le déclic se produise et qu’on en finisse avec ce syndrome du Vélodrome.
L’explication de la pression négative de notre public ne tient pas une seconde pour moi. Malgré nos mauvais résultats à domicile, les supporters ont toujours été derrière nous, à nous pousser pour gagner. Contre Rennes et pour toutes les rencontres qui restent à jouer, j’attends de notre équipe qu’elle nous montre le même visage que contre Paris ou à Bilbao.
Je compte sur Michel pour remobiliser l’équipe plus que jamais
Steve Mandanda est exemplaire à tous les niveaux en ce moment. Avez-vous discuté avec lui ?
V.L. : Je ne vais pas revenir sur tout ce qu’il nous amène. Bien sûr, je lui parle très souvent. Il est notre capitaine, le relais indispensable auprès de l’équipe même s’il ne peut pas tout changer à lui seul. Aujourd’hui, chaque joueur doit se regarder en face et prendre ses responsabilités. Chacun sait très bien ce qu’il a à faire pour inverser la tendance.
Je précise aussi que j’attends énormément du retour de Lassana Diarra (forfait à Ajaccio et Lorient car blessé au genou, il s’est encore entraîné à part hier, ndlr). Sans lui, l’équipe n’est plus la même. Il nous manque beaucoup depuis la reprise, il n’a pas pu jouer très souvent depuis quelques semaines et on a besoin de lui. Si ses petits pépins physiques le laissent enfin tranquille, nous pourrons plus facilement relever la tête. C’est un très grand joueur. L’OM lui a permis de retrouver l’équipe de France. J’espère bien qu’il nous permettra de finir au mieux cette saison.
Les choix de Michel sont de plus en plus contestés. Est-il toujours l’homme de la situation ?
V.L. : Si vous me demandez si nous terminerons la saison avec lui, la réponse est oui. Ce n’est sûrement pas le moment de créer la zizanie. Il est arrivé dans des conditions difficiles à la suite du départ de Marcelo (Bielsa) et je le remercie d’avoir accepté une mission qui ne s’annonçait pas simple. On savait tous les deux qu’on vivrait une première partie de saison compliquée. Mais nous sommes quelques mois plus tard et je le sens frustré de ne pas faire mieux avec les joueurs dont il dispose. Il est responsable de notre projet de jeu et à ce titre, il doit faire face aux critiques. C’est la partie ingrate du métier d’un entraîneur d’un club médiatisé.
Ses choix sont disséqués et quand ils ne donnent pas les résultats attendus, ils sont forcément contestés. Aujourd’hui, pour autant, les commentaires ne m’intéressent pas. J’ai besoin que mon coach mette tout en œuvre pour nous permettre de réaliser une bonne série. Je compte sur lui pour remobiliser l’équipe plus que jamais. C’est maintenant qu’il doit montrer à tout le monde qu’il est l’homme de la situation. Le bilan, nous le ferons ensemble à la fin de saison.
Nous n’avons jamais eu si peu de moyens pour bâtir notre équipe
Peut-on imaginer qu’il reste en 2016-17 ?
V.L. : Je viens de vous répondre qu’à un moment donné, on est jugé sur ses résultats. Il reste neuf ou dix matches selon si on se qualifie en coupe de France. Ils seront fondamentaux pour évaluer le vrai bilan sportif de la saison. On fera le point à la fin.
Sportivement, est-ce la saison la plus difficile depuis que vous êtes à la tête de l’OM ?
V.L. : Sans aucun doute. Mais la partie sportive n’est que le sommet de l’iceberg. Nous n’avons jamais eu si peu de moyens pour bâtir notre équipe. Je dois faire cette année, encore plus que les autres, avec une situation financière très compliquée. Ça, on ne le découvre pas aujourd’hui.
Je suis à la tête du club pour appliquer scrupuleusement le cahier des charges de l’actionnaire. Sa volonté légitime de réduire nos coûts de fonctionnement ne nous donne que très peu de marge. Du coup, on n’a pas d’autre choix que d’obtenir de meilleurs résultats sur le terrain pour espérer améliorer notre quotidien financier. Ce n’est pas très bien engagé pour l’instant et vous comprenez maintenant pourquoi j’ai doublement mal au cœur. Même si je reste très motivé et que je garde espoir pour la fin de saison.
Vous avez choisi l’entraîneur et les joueurs. Quelle part de responsabilité de la situation actuelle vous attribuez-vous ?
V.L. : Je vous confirme que j’ai choisi chaque joueur de cette équipe et son entraîneur. J’assume tout, dans un cadre financier exsangue. Pour le coach, on a déjà évoqué les conditions particulières de son arrivée. Nous devions repartir pour une saison avec Marcelo, mais il a quitté le club brutalement alors que nous avions travaillé sur un projet commun pendant toute l’intersaison. À son départ, nous n’avions ni le temps, ni une marge de manœuvre énorme pour trouver son successeur.
Michel a montré lors de notre premier entretien qu’il connaissait bien nos joueurs et notre projet sportif. Cela a fait la différence sur les autres candidats qui n’avaient pas autant travaillé. Pour les joueurs, on en a déjà aussi parlé, et je crois pouvoir dire que malgré les contraintes économiques qui pèsent sur le club, nous avons réussi à bâtir malgré les nombreux départs de cadres, un effectif largement compétitif au regard du niveau de la Ligue 1. J’en veux pour preuve le nombre de recruteurs des plus grands clubs européens qui squattent les tribunes du Vélodrome pour observer nos joueurs. Si je m’étais tellement trompé dans ce domaine, je ne recevrais pas toutes les propositions d’achat que je reçois depuis plusieurs semaines. Alors, oui, je suis responsable de ces choix, comme celui d’avoir fait venir Lassana Diarra pour 0€, Isla et Manquillo en prêt pour le même montant, ou d’avoir déboursé moins d’1,5M€ pour Nkoudou qui, vu ce qu’il montre depuis qu’il joue à l’OM, doit valoir aujourd’hui dix ou quinze fois son prix d’achat. Je porte une grande responsabilité sur tous ces choix, comme sur celui d’avoir fait venir Batshuayi, Mendy ou Imbula.
Aujourd’hui, beaucoup de conditions sont réunies pour que le club soit attractif pour l’arrivée potentielle de nouveaux investisseurs
Vu les résultats, notamment au stade Vélodrome, regrettez-vous d’avoir fustigé les "abrutis" qui doutaient de vos ambitions au mois d’août ?
V.L. : Tout cela, c’est du buzz médiatique bête et méchant. Quand je me suis exprimé à l’époque, mes propos ne visaient en aucun cas les supporters. Ils concernaient le petit noyau d’observateurs bien intentionnés qui, quoi que je fasse, me brûlent sur la place publique. Il se trouve que cette saison est décevante, c’est vrai, et qu’elle apporte de l’eau au moulin de ces oracles de la catastrophe.
Ils m’attaquaient déjà quand on avait fini contre toute attente 2e avec Élie Baup, ou que nous venions de décrocher le titre de champion d’automne la saison dernière avec Marcelo. La critique et le dénigrement sont leur seule grille de lecture pour juger mon action. Permettez-moi de ne pas l’accepter. Je n’ai pas vocation à être le bouc émissaire de ces individus dont j’ignore les réelles intentions. Mais une chose est sûre : je ne suis pas un punching-ball. Je rends coup pour coup quand on m’attaque injustement. Les "bravo" adressés à tout le monde sauf au président quand on gagne, et les "Labrune démission" dès qu’on joue moins bien, je trouve ça parfois injuste. C’est un peu trop facile. Et pour lever tout malentendu, je m’adresse ici uniquement à ce noyau de petits politiciens du chaos permanent.
Peut-on espérer des jours plus heureux dans les prochains mois ?
V.L. : Aujourd’hui, beaucoup de conditions sont réunies pour que le club soit attractif pour l’arrivée potentielle de nouveaux investisseurs. Je vais les rappeler : l’OM est propriétaire de son centre d’entraînement, n’a pas de dettes, contrairement à la majorité des clubs en Europe, son équipe est composée à la fois de jeunes talents à fort potentiel et de joueurs reconnus plus expérimentés. Cet équilibre constitue un actif important. Les relations avec les clubs de supporters ont été pacifiées et rationalisées. Je tiens d’ailleurs à les remercier à nouveau pour leur sens des responsabilités. L’environnement est plus serein. Je souhaite ardemment que cela soit le cas jusqu’à la fin de la saison car les conditions du renouveau existent. Demain se prépare aujourd’hui...
Alexandre Jacquin
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