L'OM baisse pavillon
Une actionnaire qui a fermé le robinet, un effectif affaibli, une ambition qui se limite à une place dans les cinq premiers. L'OM mérite-t-il ça ?
Mercredi 28 mars, minuit passé sur le parking du stade vélodrome. L'OM vient de s'incliner logiquement contre le Bayern Munich (0-2) en quart de finale aller de la Ligue des champions dans une ambiance surréaliste où une partie de ses supporters ont craché leur colère alors que le club n'avait pas évolué à ce niveau de compétition depuis vingt ans.
Autour d'une vingtaine de journalistes, Vincent Labrune se livre à un show hallucinant où il passe en revue tout ce qui touche de près ou de loin au club marseillais. Son job, les supporters, ses prédécesseurs, les médias... Tel un prédicateur, le président de l'OM expurge sa colère. Au milieu de ce flot invraisemblable, une phrase claque comme un missile : "On est l'OM ! Si on veut, on peut tout péter et gagner la Ligue des champions !" Un instant plus tard, Guy Cazadamont, le directeur de la sécurité, vient mettre un terme à un échange de plus en plus tendu entre une assistance médusée et un homme excédé.
Quatre mois plus tard, l'incantation de Labrune raisonne comme une douce promesse à laquelle personne n'a jamais adhéré. Pourtant à l'époque, le président y croyait. Il tentait de convaincre Margarita Louis-Dreyfus d'investir massivement pour repartir de plus belle. Quelques mois auparavant, José Anigo avait dévoilé "un secret" sur France Bleue Provence : "Pour les vingt ans de la victoire à Munich, le club a envie de faire une belle équipe." Sauf que la veuve de RLD a changé les plans. Elle a choisi le chemin inverse et a fermé les vannes ! La patronne du club a imposé la rigueur. Elle ne veut plus sortir un centime, elle qui s'est déjà engagée à combler les pertes qui s'élèvent à plus de 40 millions en deux saisons.
Mais l'OM, club le plus titré de France, champion il y a deux ans seulement, qui bénéficie du soutien de dix millions de sympathisants mérite-t-il une telle pénitence ? Est-ce le prix à payer pour les récents succès du club le plus populaire du pays quart-finaliste de la coupe d'Europe en avril ? Les dirigeants, qui sont aux manettes depuis trois ans, veulent imposer l'austérité après avoir vendu du rêve à crédit.
Force est de constater que l'OM va débuter la saison 2012-13 dans une situation qu'on lui a rarement connue. Le flou a gagné le club à tous les étages. Et les rumeurs de vente du club, qui grouillent depuis des semaines, n'arrangent rien.
Un projet à minima
En cet été 2012, l'OM semble avoir reculé de sept ans quand en 2005, le club était reparti de zéro avec Pape Diouf comme président et Jean Fernandez comme entraîneur. Sauf qu'à cette époque, le club ne sortait pas d'une triennale avec six trophées glanés !
Didier Deschamps parlait du podium comme d'une "condition vitale" pour l'OM. Absent cette année en raison du dixième rang en L1 en 2012, Vincent Labrune a fixé comme objectif une place dans les cinq premiers. Evidemment, le patron du club peut toujours sortir un poncif pour marquer son ambition : "Les cinq premières places vont de la première à la cinquième".
Mais le club dispose pourtant du troisième budget (110 millions d'euros) derrière le Paris Saint-Germain et l'Olympique Lyonnais ! Le président avoue même que l'étroitesse de l'effectif ne permettra pas de disputer les autres fronts. Autant déclarer forfait et jouer chaque match de championnat comme si c'était une question de vie ou de mort ! Heureusement, les joueurs ont une autre vision : "A Marseille, on se doit de toujours jouer le haut de tableau", soutient Rod Fanni. Mathieu Valbuena prévient : "On doit obligatoirement retrouver la Ligue des champions car l'OM doit la jouer chaque année." Mais en ont-ils les moyens ?
Un effectif bien maigre
A cinq jours de la reprise de la Ligue 1, et à moins d'un mois de la clôture du mercato, l'OM dispose d'un effectif moins riche que la saison dernière. Un constat mathématique. Quatre joueurs de moins : Andrade, Sabo, Traoré et Brandao. Leyti N'Diaye et Senah Mango ont été réintégrés, Florian Raspentino recruté. Pour le reste, l'OM complète avec des jeunes dont la seule expérience se résume au maintien de la CFA2 acquis la saison dernière.
Même les cadres reconnaissent que le compte n'y est pas. "On ne peut pas faire qu'avec des jeunes", lance Valbuena. "J'espère qu'on va se renforcer", confie Rod Fanni.
L'OM va se présenter au départ de la Ligue 1 avec une profondeur de banc réduite à son plus simple appareil. Un club du standing de l'OM peut-il se permettre de traverser une saison avec dix-huit professionnels confirmés ?
Un mercato sans espoir
Depuis des mois, les dirigeants marseillais ont annoncé la couleur. Le recrutement sera marqué par la rigueur. Le départ de Didier Deschamps a confirmé la tendance puisque l'entraîneur était un peu le garant d'une certaine idée de l'OM.
L'objectif se résume à équilibrer les comptes. Vendre. Les dirigeants n'ont que ça à la bouche mais ne vous méprenez pas, ce n'est pas pour se renforcer mais bien pour boucher le trou dans la trésorerie. Si céder ses meilleurs joueurs est devenu une stratégie de recrutement, l'OM invente un concept. Alors à quoi bon ? Sportivement, quel intérêt de se priver de Mbia ou Azpilicueta après le 15 août ? A moins que la compétitivité de l'équipe ne passe au second plan...
"Moi j'ai aimé l'OM de Skoblar. Ici, il faut du folklore, nous confiait récemment Patrick Blondeau ex-capitaine du club. Je n'ai rien contre lui mais tu ne peux pas annoncer comme première recrue Raspentino. L'OM doit avoir une autre ambition."
Même au fond du gouffre, l'OM a toujours susciter les passions. Rarement un recrutement aura si peu fait fantasmer les bouillants supporters marseillais. Les abonnements sont en chute libre. Totalement lobotomisés par le discours des dirigeants, les fans n'osent même plus rêver. C'est sans doute ça le drame de l'OM actuel...
Le miracle est possible...
Nous n'irons pas jusqu'à prétendre que cet OM n'est pas capable de décrocher une place dans les cinq premiers. Avec ses quinze internationaux, son entraîneur expérimenté, son merveilleux public et son budget, le club marseillais a des armes. Ceux qui affichent cet objectif pourraient bien l'atteindre en mai prochain et s'en féliciter en parlant "de la saison de la reconstruction".
Mais imaginer un OM qui tourne à l'ordinaire bien loin des premières places a quelque chose de déprimant. Alors certes, avec un groupe de joueurs enthousiastes et un jeu attrayant, le club olympien peut gagner son pari. Mais pour qu'il décroche le haut du tableau, il faudrait un miracle. Que la mayonnaise prenne entre toutes les composantes d'un groupe qui était miné par les clans au printemps, que Baup arrive à créer un collectif avec son plan de jeu, que l'effectif soit épargné par les blessures et les suspensions, que les stars évoluent toutes à leur niveau, que plusieurs cadors de la L1 s'écroulent... Cela fait beaucoup d'ingrédients réunis. Mais Montpellier y est parvenu.
A quelques jours de la reprise, les supporters attendent de voir. Ils ont prouvé qu'ils étaient capables de repousser leurs limites. Mais elles se rapprochent forcément. Les décideurs olympiens ont engagé le club dans un processus risqué où leur marge de manœuvre est inexistante.
Ivan Bonet et Frédéric Martin, à Marseille
_________________ "Tudor n’a aucune raison de l’aligner, ça peut être que mauvais pour lui si Payet est bon" "Anigo: tactiquement il est au dessus de Tudor"
|